Un peu de lecture inédite…
Posté par BernartZé le 4 mai 2008
La fraîcheur a un prix
J’ai froid.
Allez savoir pourquoi.
Je sais bien, tout le monde s’en fout.
Je serais dans le même cas si j’avais chaud. Mais voilà, j’ai froid !
Cela n’est pas que je tienne à tout prix à faire partager ma météo personnelle, mais ce détail me paraît tellement comique, que je n’ai pas le cœur à le garder pour moi seul. Il serait dommage de ne pas en faire profiter un plus grand nombre. D’autres personnes pourraient goûter toute la saveur d’une telle situation.
Je m’explique. Mon corps (ça s’appelle paraît-il comme ça) se refroidit, mon réfrigérateur se réchauffe.
Le contraire ne tiendrait peut-être pas davantage de la logique (aurait-elle véritablement sa place dans cette histoire ?), mais serait certainement plus utile. Cliniquement parlant on pourrait penser que nous sommes l’un comme l’autre plutôt moribonds, en tous cas assez mal en point.
En fait, malheureusement, mon réfrigérateur se trouve dans un état de délabrement beaucoup plus avancé.
Je suis très inquiet.
Je veille à son chevet depuis près de deux jours et je ne perçois pas le moindre signe encourageant. Son petit cœur ne semble plus avoir la force de repartir.
J’ai eu beau essayer de l’encourager, de le soutenir, de l’aider de toutes mes forces et de toutes les manières que j’ai pu imaginer, rien n’y a fait. Je suis paraît-il d’une nature plutôt pessimiste mais là, que voulez-vous, j’ai de plus en plus de mal à croire en une possible résurrection.
Peut-être devrais-je aller mettre un ou deux cierge(s) à l’église du coin ? Encore me faudrait-il me renseigner sur le coin en question et réussir à trouver l’église (je m’égare si aisément !).
Ou bien ?
Ou bien envisager carrément un pèlerinage à Lourdes, hors saison car il me semble que cette pratique se déroule plus volontiers au printemps. Et je n’ai pas le temps d’attendre.
Surtout que personne n’y voit là un manque total de respect pour tous ceux qui, chaque année, pratiquent courageusement ce style d’exode et même pour tous ceux qui aimeraient en avoir encore la force, celle d’y croire mais aussi d’y aller.
Mon cas est tellement désespéré, veuillez me pardonner.
Je me sens soudain si honteux à me trouver me lamentant sur le sort de mon pauvre réfrigérateur devenu avec le temps, et donc l’âge, un vulgaire placard à température de plus en plus ambiante.
Du temps de ses jeunes années, comme nous autres humains, il était nettement plus triomphant, nettement plus empli d’espérances. Je m’en souviens encore.
Plein de vaillance, fournisseur de glaçons, il était largement apte à maintenir bien au frais mes crèmes glacées, à tel point qu’il me fallait les sortir avant de pouvoir les consommer. C’était le bon temps, celui de l’insouciante jeunesse !
Nous ne faisions qu’un alors, nous comprenant sans mot dire.
Il connaissait mes attentes, les prévenant bien souvent, je savais son plaisir à conserver dans toute la sécurité de sa chambre froidement secrète mes biens les plus onctueux et les plus sensibles à la chaleur agressive du monde extérieur.
Il m’épaulait, simplement. Je pouvais toujours compter sur lui.
C’est pourquoi à présent, en cette heure grave et ce moment délicat, je pense sincèrement qu’il est de mon devoir de l’aider. L’aider à survivre, et s’il le faut, à finir son parcours ici-bas. Et si réellement sa course touche à son terme, je tenterai de l’accompagner jusqu’au seuil de la mort. Je lui dois au moins ça.
Mais je veux encore espérer, juste un tout petit peu.
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