Un peu de lecture inédite…
Posté par BernartZé le 7 mai 2008
La confiance règne (!)
Parmi (beaucoup) d’autres angoisses ou de phobies, je suis atteint d’un mal dont j’ignore la dénomination, mais qui doit certainement être répertorié dans quelque revue médicale.
Pour faire plus sérieux et professionnel il faudrait, à l’occasion, que j’entame une petite recherche qui me permettrait, pour une fois, de ne pas écrire n’importe quoi. Mais là je suis pressé, je n’ai vraiment pas le temps ; ce sera pour plus tard, promis !
Afin de paraître un peu plus clair et de simplifier la compréhension du plus grand nombre (!?), nous baptiserons cette maladie du nom de « cléistophobie ».
Ce mot n’ayant pas (pour l’instant) l’honneur et l’avantage de figurer dans le grand dictionnaire de notre belle langue française [ je précise pour une fois que là je suis très sérieux : j’adore les dictionnaires…de papier, leur odeur et la vertigineuse ivresse que me procure la moindre plongée de nez et d’yeux au plus profond de ce puits de culture et de découvertes incessantes ; c’est tout simplement grisant ! ], je vais avoir le plaisir de vous en donner une brève et forcément personnelle définition.
Voilà : « la cléistophobie » est plus particulièrement assimilée à la crainte irraisonnée de se retrouver bloqué derrière une porte, du fait de la perte de la clef qui pourrait l’ouvrir et délivrer du même coup l’individu en question de son angoisse.
Attention ! Ne surtout pas confondre « cléistophobie » et « claustrophobie », ce n’est pas du tout la même chose !
Au contraire, presque, puisqu’il ne s’agit pas de la peur de rester enfermé dedans, mais plutôt dehors.
Je ne suis pas du tout angoissé par les espaces clos et réduits, genre l’ascenseur de mon immeuble ou la cage à poules dans laquelle je vis, mais par le simple fait de perdre mon trousseau de clés, enfin principalement LA clé de mon loft, et de me retrouver en arrêt, agenouillé sur mon récent paillasson (je hais habituellement tous les paillassons, mais celui-là m’a été imposé pour faire comme tout le monde), sans plus savoir quoi faire, bêtement paralysé par l’angoisse d’être contraint de rester là éternellement. Rien que d’y penser j’ai des sueurs froides !
Est-ce grave docteur ?
Le pire, et peut-être le plus drôle, c’est que de ma vie je n’ai jamais perdu la moindre clef. Mais j’ai plus d’une fois cru l’avoir fait, et le temps de me rendre compte en tâtonnant, en me faisant toutes les poches, que j’avais distraitement déposé l’objet précieux dans un revers inhabituel, je me suis souvent vu dans une situation extrêmement indélicate, par ma seule faute. Je sais : c’est idiot, ça se soigne peut-être, mais toujours est-il que c’est une de mes angoisses récurrentes et difficilement contrôlables.
Ah ! Si seulement les clés n’avaient jamais existé !
Mes problèmes existentiels seraient indubitablement moins nombreux.
C’est mathématique.
Le jour où j’ai réalisé le rôle de la clef dans notre société, j’ai entrevu tout un autre monde, sans doute utopique, à coup sûr très différent.
Ça m’a tellement submergé sur le moment que j’en suis resté, je crois, ébahi.
A quoi sert donc une clé ?
Ben…à pas grand-chose d’autre que de rappeler à l’indiscret de service : « Non non ! Vous n’êtes pas autorisé à mettre le nez, les pieds, ou les mains derrière cette porte, ce portail, dans ce tiroir, ce coffre, cette armoire, ce journal intime, cette banque si près de chez vous, et plein d’autres exemples tout aussi importants que j’oublie sûrement ici ».
C’est f u l g u r a n t, non ?!
Si chaque être humain était génétiquement né avec le respect de ce qui ne lui appartient pas, ne le concerne pas et lui est interdit, la clé, la serrure et leurs « produits dérivés » n’auraient jamais vu le jour. Sincèrement, cette simple idée m’émeut.
A quoi tient donc une création, une invention en l’occurrence (j’adore ce mot un peu obsolète – ah ! une occurrence ! – comme l’adjectif qui vient de me servir à le caractériser !) ?
Une clé qui ne sert qu’à ouvrir une serrure précise n’a lieu d’être que pour réveiller les consciences endormies en leur rappelant à temps (?) qu’elles sont sur le point de s’oublier totalement et de commettre un fâcheux impair, voire plus si « pris sur le fait » ou « formellement reconnu par témoin passant inopinément par là ».
Ça arrive régulièrement, tous les jours, depuis sans doute…la nuit des temps, à cause d’un simple manque d’éducation dont certains ont pu être (beaucoup) plus victimes que coupables.
S’il avait juste suffit de dire « Non passendo ! », nous n’en serions pas là.
La dynamite ne serait peut-être jamais sortie des montagnes, des carrières de pierre et des couloirs d’avalanches, et certains films et autres séries télévisées n’auraient pu voir le jour, faute de crédibilité.
Du coup, Le Dernier Roi de France, si féru de ferronnerie, aurait été obligé de se trouver un autre passe-temps, ce qui l’aurait peut-être conduit malgré lui (manque de dispositions ?) à régner encore un peu et surtout à se préoccuper plus des problèmes de ses sujets que de ses bidouillages de serrures, enfermé (!) dans son atelier.
Sa destinée entière en eut été peut-être modifiée et l’ironie du sort n’aurait pas fait qu’il passât ses derniers jours « sous clé », avant de perdre la tête par manque de réalisme historique.
Et qui sait, de ce fait, si nous serions aujourd’hui en République, nous préoccupant d’élire un (autre ?) guignol pour nous tenir informé des affaires de l’Etat ?…
Mais plus important encore, Fragonard n’aurait pu peindre « Le Verrou », et ç’eut été franchement dommage pour les générations suivantes.
Surtout pour moi.
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