Un peu de lecture inédite…
Posté par BernartZé le 9 mai 2008
Ça bouchonne dans mon lit
Roulements de tambour !
L’heure est grave, l’instant à la fois magique, solennel et généralement festif. Remarquez, vous avez, avec légèreté, tout à fait le droit de ne pas spécialement célébrer un moment ordinaire et privé en tout petit comité, vous seul par exemple.
Le prétexte importe peu. Que vous ayez décidé de baptiser la nouvelle niche du chien en grandes pompes et en présence de tous vos voisins réunis, sans doute un peu perplexes, mais si contents d’avoir un événement à fêter, même si le sens leur échappe légèrement, ou qu’habillé de noir, seul face à vous-même, à la lueur d’un candélabre, vous choisissiez de porter un toast à tous vos démons en enterrant votre passé, le résultat pourra sans problème être le même. Tout est question d’adresse et de doigté, avec une pointe de chance peut-être, mais sûrement beaucoup de travail, de répétitions et une dose évidente de professionnalisme.
Il faut, je pense, être avant tout ferme et décidé. Il ne s’agit pas de manquer son coup. Même sans aucun témoin, l’effet serait déplorable.
En public, vous pourriez passer pour quelqu’un de stupidement maladroit ou carrément inexpérimenté, tout seul, vous trouveriez certainement une occasion de plus de broyer du noir et de persister à penser que vous n’avez définitivement pas le moindre talent, bref de vous déconsidérer.
Ça n’est jamais très bon pour la santé mentale, et physiquement vous seriez capable de somatiser pour le restant de vos jours.
A déconseiller donc.
Pour mettre de son côté un maximum de « chances de succès » (mais oui, l’échec aussi peut-être désiré et se révéler un bienfait très formateur…), armez-vous d’une paire de mains agiles, ayant si possible subi un entraînement intensif assez récent. Les occasions en société ne manquent pas. Anniversaire, mariage, communion, baptême de paquebot, enterrement, bar-mitsva, première dent du petit dernier, glorieuse promotion au rang de sous-chef adjoint de district, P.a.c.s (essayons pour une fois de nous montrer contemporains !), inauguration du supermarché du coin rouvert après travaux et autres opportunités de s’exercer, en fonction, le plus souvent, des cercles et des clubs que vous avez l’habitude de fréquenter.
L’essentiel étant d’avoir toute confiance en ses aptitudes manuelles, il ne faut cependant pas négliger l’importance des pieds.
Savoir camper sur une position stable n’est pas du tout négligeable, croyez-moi.
A vous de déterminer celle qui vous convient parfaitement, il n’y a pas de règle.
Profitez-en pour une fois et laissez-vous aller à trouver votre propre attitude, celle qui vous autorise à vous sentir le plus sûr de vous, peu importe s’il s’agit alors de vous retrouver accroupi, les mains entre les jambes. Si telle est votre position la plus confortable, c’est parfait ! Rien à redire !
Si vous êtes ambidextres (je suis remonté aux mains, là), dotés de doigts plutôt musculeux mais affinés, c’est un plus, assurément ! Vous avez un avantage. Si vous n’avez pas la chance d’avoir celui-ci, munissez-vous d’un simple torchon, cela pourra compenser votre faiblesse naturelle.
Sachez choisir l’endroit propice pour passer à l’acte.
Une erreur topographique serait certes pardonnable, mais réellement préjudiciable.
Le spectacle serait un peu manqué. Faites pour le mieux.
Si vous craignez naturellement d’attenter à la vie d’autrui, tentez de faire un peu le vide autour de vous, c’est pour le bien du plus grand nombre.
Ménagez votre effet, pas trop, on n’est pas au cirque quand même.
Et puis décidez-vous enfin, lancez-vous, on n’a pas toute la soirée à consacrer à votre « happening » !
Le geste sûr et sobre, enserrez des deux mains l’objet tant convoité, la fontaine mirifique ne dépend plus que de vous pour jaillir et satisfaire tous les convives assoiffés, impatientés par tant de préparatifs qui ne leur ont jamais paru aussi interminables.
C’est (beaucoup) de ma faute, le temps de me lire, vous leur avez largement laissé l’opportunité de se jeter sur d’autres sources d’ivresse, de plaisir et d’abandon.
Et comme vos amis sont ce qu’ils sont, que vous les aimez et les estimez, vous n’ignorez pas qu’ils ont pu, tout naturellement et sans la moindre hypocrisie, se laisser aller à les consommer sans modération, parce que leurs consciences individuelles se moquent du « politiquement correct » qui ne leur dit rien qui vaille, simplement parce qu’ils se refusent à jouer ce jeu social stupide qui prétend nous responsabiliser en nous culpabilisant et en supposant, avant tout, que personne n’est capable, dans ces moments d’égarement, de se souvenir qu’il n’est pas seul au monde, et devra donc rendre compte de ses (possibles) excès de boisson.
Quiconque a le permis de se mal conduire se retienne de me jeter la dernière pierre de son champ de certitudes (!!).
Bon ! C’est le moment de s’activer et de déboucher enfin cette bouteille de champagne (évitez le vulgaire mousseux, pas seulement parce qu’il est d’un commun !…mais surtout parce que la pression interne est nettement plus faible et remettrait totalement en cause tout mon propos).
Prestement équipé de vos deux seules mains et accessoirement d’un torchon (propre), ouvrez cette bouteille avec un minimum d’élégance en évitant de laisser échapper le bouchon, qui pourrait alors non seulement éborgner accidentellement un de vos invités, mais aussi trouer la couche d’ozone, et pire encore, disparaître totalement de votre champ de vision et vous inquiéter tout le reste de la soirée en vous forçant à vous demander où ce satané bout de liège a bien pu passer.
C’est souvent le meilleur moyen de gâcher son propre plaisir et de se donner, dès le lendemain, l’occasion de partir, non pas à la recherche des œufs de Pâques, mais du bouchon de champagne perdu.
Ah ! Si vous aviez servi uniquement du scotch, whisky, tequila, Cointreau, cognac, gin, mezcal, ou jus de fruits, vous n’en seriez certainement pas là !
Mais comme ce n’est pas le cas (beaucoup trop tard pour vous en vouloir !), il ne vous reste plus qu’à chausser vos lunettes ou vous munir d’une loupe et de découvrir où s’est réfugié, apeuré, l’objet de toutes vos préoccupations d’après bataille.
La toute dernière fois que j’ai vécu cette triste défaite, j’étais tout seul comme un grand à essayer de retrouver celui qui avait tenté d’échapper à ce que je n’avais pas à fêter.
Il m’a donné énormément de mal. J’ai même cru ne jamais pouvoir remettre l’une de mes mains dessus.
En désespoir de cause, je me suis décidé à renoncer momentanément à cette quête et à aller dormir. C’est là que j’ai compris et trouvé la solution.
Ben quoi !? Pour quelle raison pensiez-vous que j’avais choisi ce titre de chapitre ?…
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