Un peu de lecture inédite…
Posté par BernartZé le 26 mai 2008
(« Ne plus avoir sa tête à supporter, quel grand soulagement ! » – Michel Davrais)
(–>pour Charlotte Corday !)
Marat n’était pas (le) seul
J’ai, aujourd’hui même, eu l’occasion de me souvenir que « l’ami du peuple » souffrait de terribles crises d’eczéma chronique.
Tous nous avons gardé en mémoire ce fameux tableau de David le représentant dans sa baignoire, en fâcheuse posture, pas très à son avantage, Miss Corday étant passée par là.
Mon chemin n’a pas encore croisé celui de ma Charlotte, mais il se trouve que moi aussi je souffre de ce genre de démangeaisons galopantes.
Bon ! Peut-être un peu moins (difficile de savoir !) dévorantes que les siennes, mais tout de même ça compte !
Et puis je suppose qu’à son époque n’existait pas la seule crème -en tube- capable (peut-être) de le soulager, et qui, bien évidemment me permet de ne pas passer la moitié de ma vie à écrire ou à rêver au fond de ma baignoire.
Cela me donne-t-il le droit, malgré tout, de revendiquer une once de son talent d’écrivain ?
C’est une question idiote ?…!
Je me suis souvent demandé si le prix du talent était la souffrance. Remarquez, elle fait, je crois, partie intégrante de la condition de l’Homme.
Mais comment la mesurer ? Comment la quantifier, la comparer entre deux êtres ?
Il ne s’agit pas ici de lancer un grand concours intergalactique pour savoir qui a le plus souffert de son vivant et qui donc mérite la médaille du plus (talentueux ?) martyr.
Et pourtant parfois -non, souvent !- j’ai véritablement l’impression qu’il existe une compétition dans ce domaine, bien orchestrée et encouragée par l’ensemble des médias, pouvant « arroser » le plus large public possible.
C’est à qui parviendra le mieux à mettre en lumière la capacité de survie d’un être humain.
Les exemples sont (malheureusement) nombreux.
Tout, mais absolument tout, est fait pour nous montrer le meilleur de l’Homme. Ce qui généralement fait le plus recette touche le secteur médical.
On est carrément submergé d’exemples.
Souvenez-vous.
L’histoire de cet accidenté de la vie devenu tétraplégique, condamné définitivement par les médecins et qui, à force de volonté, de courage et d’obstination a réussi à vivre « comme tout le monde » (personnellement j’ignore totalement le sens de cette expression), à retrouver son autonomie et à pratiquer de multiples sports, signe, s’il en est, de bonne santé (physique ? mentale ?…).
En fauteuil roulant, ou bien avec différentes prothèses, souvent fabriquées à sa mesure, il est parvenu à faire du tennis, du basket, du ski, du parapente, du ski nautique, de l’escalade, de la course automobile (il me faudra penser à vérifier qu’il s’agit bien là d’un sport…), du cyclisme…et sûrement d’autres activités hors de ma portée que j’ai momentanément oubliées.
Que dire à part « Bravo ! » et se sentir petit, mais alors tout petit ?
Ah oui ! Et puis aussi le cas exemplaire de cette femme ayant passé plus de dix années dans un coma tellement profond que personne (ni sa famille, ni les médecins, ni moi) n’aurait pu espérer qu’un jour elle parviendrait à remonter à la surface parmi les vivants et à reprendre le cours de sa vie interrompue, au prix d’un acharnement et d’une ténacité uniques.
Elle a pu réaliser l’un de ses rêves en devenant mère, reprendre son travail et sa place au sein de sa famille et de la société.
Que pourrais-je ajouter à cela ?…
Et je me sens minable.
Le cas aussi de ce dépressif chronique -depuis toujours- qui a fini avec le temps et à force de maîtrise par s’oublier, partir au bout du monde pour créer une organisation humanitaire destinée avant tout à venir en aide aux pays africains encore ravagés par des épidémies totalement éradiquées chez nous depuis des lustres.
Que puis-je faire d’autre que pleurer en vain de n’avoir pas été capable d’en faire autant ?
Je repense aussi à ce condamné à mort, ayant « repris » des études jamais entamées et devenu au bout du compte chercheur en sociologie et professeur de faculté.
Chapeau bas !
Pour tenter d’être équitable à défaut d’être juste, je devrais également citer « ce sans domicile fixe qui…» et « cette femme violée qui a pu…», cet « homme injustement accusé qui a réussi à… »,…, sans oublier cette personne devenue quelqu’un.
Cela m’écrase de savoir (mais je ne voudrais pas l’ignorer) ce qui peut désintégrer un Homme, ce qui peut l’empêcher d’être et de devenir, ce qui contribue à l’invalider au point qu’il ne puisse pas, malgré tous ses efforts,…vivre.
Je suis bien loin, en apparence, de Marat et de sa baignoire, de nos démangeaisons et de toutes les Charlotte, mais je ne peux me défendre de penser avec douleur à tous les suicidés, à tous les ratés (étrangement le mot tarés est son anagramme !…) qui n’ont pas pu ou pas su s’en sortir, reprendre le dessus, revenir dans la vie et montrer qu’eux aussi auraient pu exister.
Je me sens à jamais solidaire de tous ceux qui n’ont simplement pas eu l’opportunité de renaître, de dépasser leur handicap (quel qu’il soit), parce qu’ils n’en avaient pas (ou plus) la force, ni les moyens, parce qu’ils étaient peut-être seuls pour mener leur combat et qu’ils étaient privés de l’élan nécessaire pour toucher au but.
Pour moi, ils ne sont pas moins estimables que tous ceux cités en exemple et qui ne me semblent pouvoir représenter qu’eux mêmes.
(© 2002/droits réservés)
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