Un peu de lecture inédite…
Posté par BernartZé le 20 octobre 2008
De l’importance des chansons populaires dans une vie ratée
Etant donnée l’heure relativement avancée de la nuit, il y a peu de risques cette fois que le téléphone vienne m’interrompre en plein labeur ; il est donc grand temps de revenir sur le thème que l’on m’avait une première fois empêché d’aborder.
Mine de rien je m’attaque là à un sujet ardu, tant il est évidemment parfaitement subjectif. Tout est question de sensibilité personnelle, de parcours et expérience individuels.
A différents moments de sa vie, chacun a pu avoir l’impression d’être directement concerné, visé, simplement « appelé » par une chanson en particulier.
L’effet, je pense, est presque toujours le même : on demeure interdit.
Soudain attentif à chaque note, à chaque parole, à chaque soupir même, tout paraît suspendu. La réalité du moment, le temps, soi-même, ses propres battements de cœur semblent brutalement arrêtés, comme si toute son âme et tout son corps avaient besoin d’un silence de cathédrale pour réussir à demeurer tout entier à l’écoute d’une chanson.
Bizarrement, il s’agit rarement de textes et de musiques d’une franche gaieté.
A croire que l’âme humaine a toujours besoin de s’épancher sans fin.
A croire que notre besoin de consolation nous pousse à rechercher une douleur encore plus extrême, juste histoire de constater à quel point il est possible d’être malheureux et malgré tout encore en vie.
Les thèmes abordés sont finalement peu nombreux et toujours les mêmes : le temps perdu qui ne se rattrapera jamais, l’incommunicabilité entre les êtres (sujet typiquement…suédois du rayon « 7ème art » ! ?), les amours malheureuses, contrariées, déçues, les histoires éternelles qui se sont achevées, la difficulté d’aimer et de se laisser aimer, les impossibles deuils tout le long d’une seule vie, les renaissances ultimes au bord du précipice et puis la vie, la mort, les tourments et les fins.
Finalement, que de cercles concentriques pour nous définir, pour nous retrouver et nous reconnaître, parfois nous rassurer, un peu !
En fait, des résumés d’instants de vie, universels, qui nous offrent des repères nécessaires, qui nous font du bien, tout en nous faisant bien du mal.
Ensuite, en fonction de notre âge, de notre « expérience » (!) et de notre propre perception, nous pouvons endurer différents stades, différentes implications, diverses réactions.
Il est un âge où l’on s’abîme entièrement en écoutant deux ou trois chansons, toujours les mêmes, parce qu’elles donnent la certitude d’une cristallisation du sentiment, avec une précision diabolique, qui paradoxalement peut sembler libératrice.
Enfin, cela n’empêche pas de s’en trouver complètement bouleversé, assommé ou carrément inerte, tel le poisson maintenu trop longtemps hors de son élément !
D’ailleurs, on semble être en plein « Vingt milles lieues sous les mers », immersion totale, apnée obligatoire, panique à bâbord, à tribord, sur tous les côtés, on suffoque, on en meurt.
Pour certains, cela peut réellement se terminer là.
Ce n’est pas spécialement drôle, ni forcément triste, c’est ainsi.
Un peu de respect tout de même, s’il vous plait !
Pour d’autres, une relative majorité sans doute, il va s’agir de remonter à la surface, coûte que coûte, vaille que vaille, parce qu’il n’existe simplement pas d’autre solution que de tenter de survivre dans l’espoir que tout n’est pas fini, que tout n’est pas définitivement mort. C’est bien sûr un pari impossible, mais il revient à chacun de le tenir ou non.
En une phrase : l’heure est particulièrement grave ( !)
Ça change.
Presque tout change, avec l’âge et le temps.
Plus tard, en écoutant les mêmes chansons, ou d’autres consanguines, on se prend à sourire.
Peut-être n’en vient-on pas carrément à rire, mais elles paraissent les mêmes que l’on reçoit pourtant un peu différemment, avec plus de recul, nettement plus de défiance, vis-à-vis de soi-même.
Le temps nous a largement été offert et imposé d’apprendre à nous dépassionner, à nous retirer malgré nous du jeu, pour notre propre survie, pour cesser enfin de saigner sans relâche et essayer de commencer à cicatriser tout en sachant qu’il faudra vivre avec ces croûtes importunes (!).
Non, je n’exagère rien. Pourquoi donc ?
Il vient un jour un âge, si l’on a survécu (que personne ne rie !), où l’on a appris la bonne distance, la bonne recette, pour conserver le plaisir initial de l’écoute de ces chansons, sans en ressortir abasourdi et effaré.
Un peu de recul sur soi, une pincée d’ironie, une once de cynisme (de « pessimisme dépassé », pour les plus tendres ?), et l’on parvient à goûter à nouveau les sensations de sa jeunesse, sans en subir des conséquences généralement assez désastreuses.
Peut-être se sent-on alors parfois moins vivant, un peu désabusé, moins désespéré mais nettement moins empli d’illusions, de croyances, de rêves et de la certitude qu’un jour viendra où, de toute évidence, tout ce long parcours aura eu raison d’être.
(© 2002/droits réservés)
… Ou comment la chanson devient un petite madeleine proustienne… Un seul regret cependant, il manque des titres à ce billet, titres de chansons précises bien sûr.
Mais sans doute serait-ce trop intime. Une chanson qui provoque en nous l’état décrit au début de ce brillant billet n’en dit-elle pas trop sur le « nous » en question ?
A bientôt…
C’était effectivement une « option »…vite mise de côté.
En citant précisément des titres, bien plus que la « peur » de trop en dire, je craignais (principalement) que mes exemples « particuliers » ne fassent barrage à la remontée des souvenirs et émotions du lecteur potentiel (!)
Mon dessein, en forme d’invite, était donc de raviver la mémoire de chacun en lui proposant de faire sa remontée dans le temps toute personnelle.
Bref, le sujet me semblait trop universel pour le réduire à…ma seule petite histoire !
… B.
Argumentation imparable et sensée. Donc j’admets votre réponse et je garde dans mon jardin secret les titres des chansons qui pour moi ont une vertu proustienne…
…Et néanmoins, toute personne passant par ici, par hasard ou non, est -vivement- invitée à…faire profiter autrui de ses souvenirs musicaux en dévoilant quelques titres clés (commentés ou pas, selon chaque bon plaisir) ! L’impatience me gagne…
…B.