Du vécu (ou presque)…
Posté par BernartZé le 3 juin 2009
La béquille de sa mobylette
Tout a sans doute commencé ce jour-là !
Il en est presque sûr aujourd’hui.
Il irait même parier sa dernière paire de pantoufles en simili lézard que l’origine du mal remonte au jour de ses quatorze ans !
Avant ce jour fatidique, pas vraiment de souvenir précis pour étayer sa thèse.
Mais depuis ce fameux mardi 5 septembre 1995, sa vie a été littéralement mise sous la coupe du M.O.D.O.
Une mise sous tutelle, pure et simple !
Sans son accord, évidemment, ni la signature de ses parents.
Personne, alors, ne s’était rendu compte de rien ; rien du tout !
Et pourtant…
Evidemment le matin de son anniversaire avait débuté de façon idéale.
Contrairement à ses pires craintes, il s’était levé en estimant, face au miroir, tous phares allumés dans la salle de bain, qu’il avait plutôt bonne mine.
Pour une fois, il ne s’était pas trouvé trop ceci ou pas assez cela ; bref plutôt « potable plus » !
Le cadeau, décidé de très longue date, était attendu pour le début de l’après-midi.
A défaut de l’effet de surprise, il lui resterait la joie de l’essayer tout de suite, même s’il savait qu’il ne pourrait officiellement l’utiliser qu’au début du deuxième trimestre, aux alentours du 1er décembre.
A condition, bien sûr, d’avoir effectué une entrée remarquable au lycée ; sinon à quoi bon continuer à progresser avec une année d’avance sur les autres ?!
Bref ! La journée s’annonçait des plus belles, et ensoleillée de surcroît !
Certes, en y repensant, sa joie aurait pu être décuplée s’il n’avait pas dû faire une concession à ses parents : se « contenter » d’un modèle pas tout à fait dans le vent, qu’il serait -à coup sûr !- le seul à posséder au lycée.
Et puis après tout qu’importe !
Pourvu qu’il puisse enfin remiser son vieux vélo plus tout à fait à sa taille et qui lui donnait l’air d’être encore au collège !
La matinée, dont il revint en pédalant comme une turbine, s’écoula dans un rêve.
Il avait simplement fait acte de présence, ce qui n’était déjà pas si mal pour quelqu’un qui avait bien gardé pour lui son double secret du jour.
Quartier libre l’après-midi ; c’était enfin là que les choses sérieuses pourraient commencer !
Déjeuner sans appétit rapidement pris en famille (moins sa petite sœur, de corvée de cantine) ; et puis l’attente.
Jusqu’à 15h07, heure précise (enfin, selon sa montre pas tout à fait suisse, mais réellement à quartz) où il entendit, le premier, la camionnette de livraison arriver.
Même pas le temps de sonner pour le chauffeur ! ; il était en bas avant ses parents, indispensables pour apposer leur signature et prendre officiellement livraison -en son nom- de l’objet du désir.
Oh ! La belle (couleur) bleu turquoise ! ; le choix s’était imposé de lui-même : c’était ça ou bien orange !
Mais le plus important, encore plus au moment d’en prendre enfin livraison, était de ne pas regretter d’avoir dû lui-même débourser -et en plus- ce qu’il fallait afin de pouvoir accéder au grand luxe, à la catégorie supérieure des (futurs) conducteurs de mobylettes.
Soit…un confortable deux roues, non seulement équipé -également à l’arrière- d’une suspension, mais aussi de deux paires de clignotants !
Il n’avait pas un instant imaginé pouvoir s’en passer.
Devant ses yeux, à présent, elle rutilait, de toutes ses options, de tous ses chromes et de sa couleur un peu voyante, de loin !
Tout à sa joie et grâce à son enthousiasme communicatif, il n’éprouva aucun mal à convaincre ses parents de le laisser « faire un tour »…dans la rue (une impasse).
Quelques pétéradants allers-retours plus tard, il était fier et ravi.
Heureux, en somme.
Le temps de descendre de sa mobylette et cet unique instant de béatitude fut définitivement révolu.
Une page de sa jeune vie était tournée, à jamais.
Il lui suffit de tenter de mettre son véhicule sur béquille pour comprendre que quelque chose n’allait pas.
Au bord du trottoir, devant la maison de son enfance, celui-ci refusa obstinément de rester tout seul en place, c’est-à-dire de se tenir convenablement debout !
Plus qu’une grâce penchée, il semblait atteint d’un subit accès de flemme ; pas même le courage de demeurer droit, histoire de sauver la face.
La béquille, de toute évidence la seule à incriminer, ne pouvait, ni ne voulait prendre seule en charge tout le poids de son corps !
Comme si, au bord de l’évanouissement, elle n’avait pu cacher une soudaine et durable faiblesse.
Et d’autant plus fâcheuse qu’elle se confirmait malgré des tentatives renouvelées !
Après n’avoir pu faire autrement que de la coincer debout -grâce à la pédale droite- contre le trottoir, il ne put -non plus- s’empêcher de distinguer ses parents comme témoins privilégiés de ce terrible contretemps.
Et de faire grimper, tant bien que mal, le deux roues dans le coffre du quatre roues paternel, à charge pour tous deux d’aller consulter -en urgence- le concessionnaire jusque sur ses terres.
Evidemment celui-ci ne manqua pas de se confondre en de plates excuses et de faire remplacer la défaillante béquille par sa jumelle apparemment plus vaillante !
D’ailleurs, après quelques tours de vis, tout sembla parfaitement rentrer dans l’ordre, dans le magasin.
Effectivement, un quart d’heure plus tard, au bord du même trottoir, devant la même maison, le même phénomène ne manqua pas de se reproduire…à la deuxième tentative.
Juste histoire de s’assurer que le premier essai était réellement concluant (et donc qu’il n’avait pas rêvé), il avait préféré, tel Gribouille, effectuer une seconde vérification, juste au cas où.
Et cette nouvelle béquille, comme la première, se révéla incapable de soutenir correctement le poids total de l’engin !
Que justice lui soit -ici et maintenant !- rendue une fois pour toute : sa vie entière, et celui de sa maternelle matrice d’adoption, elle n’eut de cesse de tenir le choc !
Affaissée, écrasée par le poids du devoir qui l’incombait, elle vécut vaillamment, pliant toujours mais ne rompant jamais ; chapeau bas !!
Il n’empêche que ce fut le début (de mémoire) de l’escalade et la toute fin des haricots !
Tout ne fit plus, ensuite, qu’aller de mal en pis.
Tel un virus, les plus étranges maladies ne cessèrent de contaminer en cascade le deux roues initialement chéri.
Outre la béquille acceptée avec son handicap, il ne tarda pas à subir toutes les espiègleries de son brillant engin.
Passé le voyage de noces, soit les trois premières semaines idylliques durant lesquelles il put -dès le début du deuxième trimestre- se rendre sereinement au lycée, tout content de chevaucher une monture digne de sa nouvelle maturité (malgré son jeune âge relatif), il dut vite déchanter.
Et même promptement !
Les coups du sort se succédèrent de manière de plus en plus inquiétante.
La pétaradante se mit à dérailler à tout va, afin d’affirmer son caractère.
Puis vint, en plein cœur de l’hiver, une incroyable succession de crevaisons : trois lundis de suite !!
Et de plus en plus de mal à justifier ses retards répétés, face au même professeur.
Et enfin…peut-être l’un des summums vécus avec son deux roues, de ceux qui tutoient le sublime : en rentrant tard le soir, un soir particulièrement sombre et pluvieux, sa bécane ne démarra pas.
Elle s’y refusa ; ostensiblement !!
Bougie et moteur noyés.
Après un bon millier de vaines tentatives de démarrage, il finit épuisé et trempé.
Attention ! Pas trempé du genre très mouillé par une pluie continue et particulièrement inopportune !
Que nenni !
Non…la ville, ce soir-là précisément, connut la plus grande inondation de son histoire, au XXème siècle !
Un véritable déluge apocalyptique s’abattit nuitamment sur la cité, sa mobylette et lui-même…le faisant devenir à moitié fou, éructant à tout va, en pleine rue, et arrachant son casque afin de pouvoir respirer à nouveau !!
Trempé pour trempé…!
Tant qu’à faire, autant provoquer les océans et faire se déchaîner tous les éléments de la Création !!!
Que d’eau, que d’eau !!
Tellement…que les trottoirs ne se distinguaient plus de part et d’autre de la chaussée !
Comment finit-il par rentrer jusque chez lui ?
Mystère et dubble gum !…
Le M.O.D.O. avait, cette nuit-là, marqué un grand coup.
Par la suite, au fil des ans, il put noter -ou pas- divers incidents troublants.
Ceux-ci allèrent du concours de circonstances anodin et même amusant (parfois !) à une succession de coups ou contrecoups du sort.
Certains auraient pu hâtivement invoquer une certaine et évidente malchance, d’autres n’auraient pas manqué d’évoquer une possible malédiction directement héritée de ses ancêtres, aïeux et autres individus de son arbre généalogique dont il ignorait, en fait, toutes les branches inférieures à celles situées en dessous du voisinage de ses grands-parents.
De toutes façons, qui aurait pu apporter la moindre preuve tangible ?!…
Et cependant, une telle accumulation aurait affecté toute personne sensée.
De quoi tituber un peu…
Il ne connut plus jamais la paix.
Passée la fin de l’adolescence, dès le début de l’âge adulte et de ses balbutiements dans le monde de « l’autonomie » (!), il ne manqua pas de connaître moult revers de fortune, à chaque tentative aventureuse d’avancée dans le Monde des Objets, le monde bassement matériel.
Impossible de dresser ici même une liste exhaustive de toutes les occasions où…zut alors ! C’est vraiment pas de chance !
Alors…juste pour le plaisir de faire rire ou sourire, il aurait pu (se) rappeler ici le tout premier objectif photo de son premier « Reflex » qui ne fonctionna pas, se contentant de tenir le rôle unique et diablement réducteur d’une loupe, voire d’un simple filtre (de poussières ?!) allant de nulle part à…pas spécialement plus loin !
Navrant.
Et vive l’invention de « la garantie » !
Pour rester dans le domaine « high tech » : son premier magnétoscope avala de travers sa première cassette VHS ; les différentes chaînes hi-fi (mini, midi…; importées du Soleil Levant ou bien du Pôle Nord), qu’il eut l’occasion d’acheter au cours de sa vie, révélèrent toutes -plus ou moins précocement- un vrai défaut de fabrication ; aucun de ses lecteurs cd (hormis le baladeur dont il eut la drôle d’idée de se lasser très rapidement) ne sut (ou ne put ?) fonctionner normalement au delà d’une période idyllique de douze mois.
Après de courtes noces, de quoi voir rouge sang, avec l’ardent désir de shooter dans le tas ou de foncer droit dans le mur !
Tout ses « home sweet home » ne furent pas en reste, le laissant rarement serein.
Avec sa première location il hérita -malgré lui- d’un très vieux frigidaire, abandonné là par la locataire précédente (une Galloise ou une Ecossaise).
A vue de nez, il avait certainement connu la guerre ; peut-être même la Grande !
D’un look improbable de vieux bunker gris, il…refroidissait lentement et bruyamment.
Les glaces comme les glaçons n’étaient pas bienvenus.
Quand il quitta cette location pour une autre, il lui fit ses adieux sans regrets, mais avec -tout de même- un petit pincement au cœur.
« Lâcher la proie pour l’ombre » ne fut pas pour lui une vaine expression.
Il avait quitté un espace (doté d’un volume estimable), somme toute assez confortable, pour gagner un repère aux dimensions de la cage d’une poule.
Bon.
Son corps (son « enveloppe charnelle ») ne se fit jamais à cette assignation à résidence (faute de pouvoir déménager) qui perdura (…)
Il ne cessa pas de se cogner contre les murs et les objets qui lui rabotèrent, au passage, une hanche, un bras, se montrant parfaitement incapables de lui céder la priorité en s’effaçant, avec grâce, de son étroit chemin.
Le grand mur balafré d’autrefois avait été vite remplacé (au lendemain d’une terrible giboulée de mars déportée en juin !) par des lézardes horizontales et verticales, mais plus petites.
Qui ne se sent pas en sécurité déménage ; qui ne dit mot consent…à rester !
Outre le lave-linge qui -dès ses vertes années- décida d’essorer selon son humeur du jour (deux ou trois fuites à déplorer aussi en cours de carrière, mais passons !), il eut l’honneur et l’avantage (couramment partagé, paraît-il) de jouer les marins d’eau douce (mais aux intentions adverses !) et d’éponger à tout va, des carrelages comme des planchers de bois (définitivement morts…après séchage !).
Que d’eaux, que d’eau !!
Que de problèmes de robinetteries (lavabo, évier…mais jamais de douche ou de baignoire ; étrange…) et de toilettes !
Ah ! Les toilettes…qui choisissaient toujours l’un des -nombreux- week-ends prolongés du printemps pour s’accorder un large moment de faiblesse, telle une vacance, un moment d’absence, le temps de s’oublier généreusement.
Ça donna l’occasion de commencer une vaste collection de serpillières !
Dans la catégorie « inondations en tous genres », il importe de se souvenir avec émotion (!) d’autres oublis (tout aussi envahissants et hostiles pour le parquet) dus à la lente, longue et terrible agonie de son vrai premier réfrigérateur qui succomba d’une phtisie (pas tout à fait) galopante avant l’âge de trois ans !
Témoin de sa consomption, il ne put que l’assister fidèlement au cours des deux semaines et demie de souffrances qui finirent par l’emporter.
Oublions les commodes, armoires, tiroirs et compagnie, les vis et les boulons qui ne tinrent pas le choc (après moins d’un trimestre d’existence), pour finalement rendre un dernier hommage aux…
…mouchoirs enflammés et aux boîtiers de cd (en partie) brûlés, réellement par maladresse (en quelques occasions) ou pour avoir -de trop près- tutoyé une flamme…de bougie !
Après les épreuves de l’eau et du feu, il fut bien obligé de reconnaître que la terre ne manquait pas d’air ; franchement pas !!
En se rappelant constamment à son bon souvenir, elle n’avait de cesse de l’empêcher de décoller, de se défaire des incontournables questions matérielles, en le maintenant au sol, au ras du macadam !
« Philosophe » cependant, il dut bien apprendre à relativiser son malheur.
L’âge venant (mais ne l’aidant pas spécialement), il découvrit que « le mal » dont il subissait depuis toujours les conséquences les plus désagréables avait une dénomination et qu’il avait même été érigé en une loi par des esprits et des cerveaux (certainement…forcément !) compétents : la loi de Murphy, plus communément (et familièrement) connue sous l’appellation de « loi de l’emmerdement maximal » !
Du jour où il put mettre un nom sur le soi-disant mauvais sort qui régissait sa vie, il cessa, dès le lendemain (!), de se considérer « pessimiste ».
Après tout, puisqu’il n’était pas du genre à ajouter une couche de confiture (de pêches) sur sa tartine beurrée, il ne pouvait certainement pas être le plus malheureux des hommes en ce bas monde !
Ce brutal revirement n’empêcha logiquement pas le M.O.D.O. (le Monde Obscur Des Objets) de persévérer dans sa volonté de lui rendre la vie la moins harmonieuse possible.
Et un beau jour, un 5 septembre, alors qu’il traversait en toute hâte le boulevard, de peur de voir le bus lui passer sous le nez, un lacet de chaussure décida de le lâcher définitivement ; le temps de se pencher sur sa chaussure droite et le bus, lui, ne le manqua pas.
Sa destinée aurait-elle été autre si son premier « deux roues motorisé » avait été différent, ne serait-ce qu’au niveau de la béquille ?…
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A vous qui êtes tombé par pur hasard sur cette page (que vous n’avez sans doute même pas lue !) publiée il y a plus de cinq ans : pensez-vous que je puisse être dupe de vos excès de louanges ?
A quoi bon avoir perdu votre temps à poster ce vain message (nulle référence au texte) dans le seul but d’y déposer un lien…que je ne suivrai pas ?
Je ne vous dis pas merci ; je ne vous en veux même pas…
B.
Ben moi si, je lui dit merci, car ainsi je suis venue lire ceci !
Et de garder « la terre ne manque pas d’air »
dis
Incroyable !!
Cinq années et demie après sa parution cet « article » aura finalement été lu une fois !
Quelle méritante lectrice vous avez été en trouvant le courage de vous lancer à l’assaut de cette interminable page…devenue presque illisible suite à une succession de migrations du serveur hébergeant ce site !
J’espère que vous avez au moins pu user d’un zoom à 125% ou 150%
…B.
En effet je me trouve méritante (les histoires à béquille me parlent :/)
Et, au passage, merci pour le lien, même si , vous le savez bien, ni vous, ni moi ne courons après une quelconque notoriété sur la toile.
Cela faisait longtemps que les (très nombreux !!) liens de ce blog n’avaient pas été mis à jour.
Au final : une sortie pour une entrée ; c’est Byzance !
Vous concernant, je voulais depuis belle lurette donner l’opportunité à quelques curieux de découvrir votre travail : vos coups de cœur spontanés (notamment votre amour immodéré pour la musique classique), vos rencontres avec les mots des autres comme vos improvisades poétiques -sur la pointe de l’âme- pleines de retenue et d’émotion.
Sans oublier vos multiples photos régulièrement renouvelées sur votre frontispice.
Certes, peu de chance que cela vienne bouleverser votre vie et que, suite à une soudaine « reconnaissance médiatique » vous soyez invitée à participer à une émission de télé-réalité
Bien heureusement pour vous (soyez-en gardée) !
…B.