C’est (aussi) la vie !
Posté par BernartZé le 13 juillet 2010
L’assourdissance
La déflagration avait été phénoménale et grandiloquente.
La panique qui suivit l’explosion fut encore plus impressionnante.
Où est-il ? Où est-il ?!
Sitôt lâché, le mot « attentat » fit l’effet d’une (autre) bombe, de façon exponentielle sur les esprits de ceux qui se sentaient encore en vie.
Tout le monde essayait de s’échapper en partant dans tous les sens.
Personne ne semblait pouvoir retrouver les issues, sans le moindre secours.
A croire qu’ils étaient mille fois plus nombreux à vouloir ressortir.
Dans l’affolement général, on ne manqua pas de se piétiner, ni de s’insulter.
Et certains finirent par échanger quelques coups de poings transformés en serpettes pour se frayer un chemin.
Au dehors les sirènes, pour ceux qui entendaient encore.
A l’air libre, l’agitation ne retombait pas.
Il y avait fort à faire pour tenter de maîtriser la surexcitation et l’inquiétude, l’effervescence comme l’anxiété.
Il y avait ceux qui n’en revenaient pas d’être rescapés, ceux qui vérifiaient l’état de leurs quatre membres pour se rassurer, et ceux qui n’en pouvaient plus de ne pas savoir.
Du nombre, à l’intérieur, nul ne pouvait se prononcer.
Qui quand comment où et pourquoi ?
Qui donc était encore vivant ?
Quand pourrait-il sortir ?
Comment y parvenir ?
Où et sous quels décombres était-il peut-être bloqué ?
Pourquoi personne ne semblait se décider à faire enfin quelque chose ?!
A l’heure où certains ne cessaient pas de recompter leurs os, d’autres ne vivaient déjà plus.
Ils s’étaient quittés un bref instant, le temps d’aller chercher deux verres.
Et puis, soudain, tout avait basculé, dans une autre dimension, la quatrième ou la cinquième ; une qui n’avait pas de raison d’exister avant.
Tout avait éclaté.
Les murs et les distances, les lumières, les repaires, les certitudes et les angoisses les plus mal enfouies.
La peur avait ôté ses masques.
Où est-il ? Où est-il ?!
Apparemment, pas davantage dehors que là pour atteindre à l’ultime soulagement.
Et de chercher sans relâche, quitte à se trouer les yeux.
En dépit de cette nuit trop éclatante, il n’était toujours pas visible.
Il fallait, de toutes ses forces, lutter contre le désespoir facile, toujours à la portée d’un pessimisme latent.
Se refuser à envisager le pire et lui préférer le champ des autres possibles.
Mais à quel prix ?
Fouiller la nuit en tous sens jusqu’à s’épuiser aussi.
Pendant ce temps, les secours s’organisaient, tant bien que mal.
S’ils avaient été prompts, leurs effectifs réduits ne pouvaient laisser espérer des miracles en regard du désastre qui s’annonçait de plus en plus sûrement.
Toutes les bonnes volontés étaient les bienvenues, à commencer par celle de ceux qui en avaient réchappé.
En ne tenant pas compte des victimes en état de choc, hébétées et perdues pour un long moment encore, cela constituait quand même une bonne arrière-garde toute prête à faire des prodiges.
Il y en eut, bien sûr.
Une femme enceinte de huit mois et demi (que faisait-elle donc là ?!) fut directement emmenée jusqu’à la clinique la plus proche…qu’elle n’avait pas initialement choisie.
Un sauteur de hauteur (trois étages, sans élan) prit la direction des urgences de l’hôpital situé juste en face, pour un simple poignet apparemment cassé.
La majorité des survivants avaient seulement besoin qu’on les aidât à respirer à nouveau, un trop plein de fumée les ayant momentanément affaiblis.
On dénombra aussi un bébé d’environ six mois, noir ébène (couleur garantie d’origine), qui semblait éprouver -momentanément- quelques difficultés à retrouver sa mère ou son père, ou tout autre membre de sa plus proche famille qui avait eu l’idée saugrenue de l’amener ici, à une heure aussi indue.
Les premiers cadavres furent également sortis.
Où est-il ? Où est-il ?!!
Etait-ce la nuit qui n’en finissait pas ou le décompte de ces heures incertaines qui devenait de plus en plus insupportable ?
Toujours est-il que le degré de tolérance à la douleur et la souffrance s’amenuisait progressivement, de façon dangereuse.
Les plus courageux trouvèrent la force de quitter seuls les lieux et d’attendre chez eux.
D’autres ne surent s’y résoudre et insistèrent pour demeurer sur place, à l’affût d’une annonce qui pourrait les sauver ou les perdre.
Certains, à l’aube, apprirent le pire.
Où est-il ? Où est-il ?!!!
Impossible de quitter les lieux sans savoir ce qu’il est advenu.
Mais…c’est toi là-bas dans le noir ?
Attends, laisse-moi te regarder.
Mais tu pleures.
Tu pleures…
Tu es vivant et tu pleures.
Mon Dieu merci !
Viens dans mes bras my love ; nous sommes tous deux en vie.
J’ai pensé, j’avais cru, j’avais fini par croire qu’il n’y avait plus la moindre raison de…
Et j’étais sur le point de cesser de t’attendre.
Ce n’est pas un miracle, c’est juste merveilleux.
C’est simplement sublime de pouvoir te toucher à nouveau et te parler encore.
Je n’y crois pas !
Je t’avais perdu et voilà que tu danses, ou presque.
Nous sommes tous deux debout, plus qu’en vie et toujours prêts à fendre les airs, pourvu qu’on nous en laisse le temps.
Pourvu qu’on nous le laisse ce temps tant mérité, après trop d’accidents d’un voyage au long cours !
Il n’y a pas de raison de ne pas pouvoir bientôt arraisonner.
Viens dans mes draps my love…
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