A bout de course
Posté par BernartZé le 26 décembre 2013
Le monde du silence
Ce n’est que plusieurs mois plus tard qu’elle donna de ses nouvelles.
Elle s’était évaporée par une belle après-midi printanière, sans prévenir personne.
Peut être repartie du côté de la Thaïlande, pour un mystérieux voyage et d’autres explorations.
C’était encore le mois d’avril et il ne faisait pas très chaud dans nos contrées les plus proches.
Sans doute rêvait-elle d’images plus lumineuses et ensoleillées, quitte à verser dans les clichés communs du genre ou -pire encore- .
Dans le même temps, le gilet marine en maille anglaise et en pure laine (-acrylique !) était largement recommandé sous le duffel-coat ; à chacun sa croix et sa météo.
Au mois de mai, sans muguet ni signe de vie de sa part, ses amis les plus proches s’inquiétèrent plus sérieusement.
Au point d’aller enquêter jusque dans son antre, son ex-petit-ami ayant conservé un double des clefs.
Il retrouva dans sa cuisine, dans un état de conservation optimal, son chat en chocolat qu’elle ne s’était toujours apparemment pas décidée à croquer.
A force d’être beau et bienveillant dans sa boîte en plastique, il ne tarderait pas à ne plus être comestible ; certainement avant la fin de l’année.
Pour le reste, peu d’indices susceptibles de mettre le plus fin limier sur une quelconque voie.
La cuisine était impeccable, comme si elle n’avait jamais été utilisée depuis l’entrée intra-muros de la locataire ; le salon était tout aussi irréprochable.
Seules, sur une table basse, traînaient deux ou trois revues.
Elle semblait s’être tout bonnement envolée sans laisser de trace.
A y regarder de plus près, un observateur plus avisé aurait pu se rendre compte de l’aveuglante vérité en prenant conscience de…son essence véritable !
Son était d’autant plus réussie qu’elle s’était secrètement réalisée.
Il était indispensable de modifier ses perspectives pour comprendre les raisons d’un départ semblable à une fuite.
Tel un kaléidoscope elle avait discrètement changé de couleur d’humeur et de dispositions aussi rapidement que de paire de chaussures ou de raison de vouloir s’en aller.
Parmi les trois revues sur la table basse, un magazine de psychologie et développement pouvait mettre la puce à l’oreille d’un bien entendant tandis qu’un mensuel de photographie révélait son goût prononcé pour l’image et l’ailleurs, autrement, sous toutes ses formes.
« Ailleurs et autrement »…aussi tentant d’aller voir que de s’y essayer.
Sûrement était-ce cela qu’elle avait décidé de faire.
Ainsi que pouvait le laisser penser la troisième publication laissée là, elle s’était documentée afin de mieux connaître les sites de plongée de Thaïlande, plus précisément du côté des îles Surin à quelques coulées de Phuket.
Pas question pour elle d’envisager un séjour du genre les deux pieds en éventail au bord de l’eau !
Quelques cercles sur une carte laissaient penser qu’elle avait décidé de s’offrir un petit sous forme de package sans effet de surprise.
Mais quel voyage en perspective !
Vingt mille lieues sous les mers, des bouteilles et des apnées jusqu’à plus soif ; quel délice…
Le site de plongée retenu était apparemment connu pour être le plus beau site de corail peu profond en Thaïlande.
Situé à 1 km de l’île de Surin Sud, il promettait de rencontrer moult espèces d’animaux marins : gobies , raies manta et coraux acropores pour le décor.
Sans toutes ces illustrations fournies par le prospectus, l’enquêteur autoproclamé (l’ex-petit-ami) aurait été nettement plus perdu.
En dépit de ces découvertes, faute de message explicite, il ne sut trop que penser.
Le goût du débotté lui étant totalement passé au-dessus de la caboche, il aurait certainement pu chercher longtemps encore.
Elle s’était échappée, tout simplement.
On la retrouva finalement noyée huit mois après sa disparition.
Sa balise de poignée révéla plus tard bien des choses.
Elle avait dérivé pendant neuf jours durant lesquels elle avait laissé des messages enregistrés de plus en plus angoissés et désespérés.
Elle n’avait pas plongé seule ; on ne retrouva pas le corps de son partenaire, l’autre n’ayant jamais refait surface.
Nulle part et en aucune façon…
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