Il faut être tarée pour aimer tant l’école
Fut-elle plus que cinglée ?
serait peut-être un terme plus approprié pour traduire l’addiction d’une écolière en mal de (re)connaissance ?
C’était un cas, sans doute pas unique en son genre, mais suffisamment rare pour que l’on s’en souvienne.
Elle voulait tout : savoir, apprendre, connaître et découvrir ; une vraie tête chercheuse !
Pas aussi exceptionnelle qu’un mais suffisamment décalée pour entrer dans la catégorie des étrangement bizarres à côté de la plaque.
Elle n’aimait rien tant que d’aller à l’école et ce dès la maternelle où elle découvrit…un immense sapin à Noël.
Sans doute touchait-il le plafond et elle, toute petite à son pied, garda le souvenir d’une journée mirifique passée assise en rond au milieu de ses petits camarades.
Elle eut droit -deux années d’affilée- au même cadeau : une DS 19 à friction avec tout son paquetage ; drôle de présent…peu approprié (en ce temps-là) pour une petite fille en herbe.
Le bonheur, malgré tout !…
De quoi tomber à la renverse ; ce qu’elle fit.
Miaou…
Au fil du temps, des années et des classes, la chose ne s’arrangea pas.
Elle continua à se lever le matin toujours emplie de gaieté en pensant à la journée qui l’attendait.
Guillerette et sobrement vêtue (ne portant pas de pot au lait) elle allait le plus souvent à grands pas avec ses bottes de sept lieues en pédalant sur son vélo avant d’enfourcher, quelques années plus tard, sa superbe bécane à moteur pour se rendre au lycée.
Pas glorieuse mais fort vaillante, celle-ci la portait fissa jusque dans sa classe.
Et là, il lui semblait retrouver ses marques au milieu de ses congénères dont certains paraissaient presque être des amis.
Les premiers troubles pointèrent réellement le bout de leur nez à l’adolescence, évidemment.
Son addiction se fixa sur un camarade de classe qu’elle avait remarqué pour des raisons qu’elle mit longtemps à comprendre.
Ni beau ni moche, il était différent et elle se prit d’empathie pour lui.
D’abord modérément, puis vite à la folie.
Au point de ne plus pouvoir penser à autre chose.
Suite à un malencontreux accident de scooter des neiges, il revint des vacances de Noël avec un plâtre et une sémillante paire de .
Bouleversant…
Au point de se surprendre elle-même en se laissant aller à…humer le col et une manche de son blouson abandonné là sur le dossier d’une chaise entre deux heures de cours ; elle se risqua aussi à faire une ou deux poches avant de s’en vouloir violemment.
Réflexion faite, il était non seulement différent mais définitivement beau autant que séduisant tant il semblait avoir besoin d’aide.
Elle fit en sorte d’exister à ses yeux ; mais comment trouver sa place au milieu d’un parterre de prétendantes zélées ?
Et s’écoula le temps (des larmes aussi) tandis que la pluie tombait…
Quelques années plus tard…
En fin de terminale, alors qu’elle aurait dû ne plus songer qu’à bachoter, son obsession la portait encore inévitablement vers lui.
Inlassablement ses pensées n’avaient de cesse de la faire dériver.
Un jour, une nuit de grande dépression, elle se laissa aller à célébrer des fiançailles imaginaires avec une bague (en acier…mais rehaussée de carbone et d’or 750 !) qu’elle s’était offerte huit mois plus tôt à l’occasion de soldes.
Toute seule chez elle, en soufflant une bougie, elle s’efforça d’assumer le pathétique de sa situation.
Amoureuse…émouvante, tragique et pitoyable comme une tanche .
Il y avait bel et bien « péril en la demeure » ; du coup, éperdue de regrets, elle choisit la fuite en avant direction la fac psycho (tiens, tiens…).
La distance prise fut d’autant plus grande qu’il avait échoué au Bac faute d’avoir pensé à réviser.
Exit les amours lycéennes.
Un homme de l’ombre passant par là…profita de l’occasion pour en sortir.
Elle le prit tout d’abord pour un étudiant, ce qu’il était, mais aussi maître-assistant .
Allô la Lune ?, ici la Terre… ; il était étrangement bizant et fuyarre et descendait seulement de temps en temps de sa propre planète.
Evidemment très séduisant parce que terriblement intrigant sur son petit vélo perso avec lequel il parcourait le campus, il savait revenir à des sujets plus terre-à-terre dès qu’il était question d’enseignement.
Capable de se lancer dans de larges échappées verbales, c’est ainsi qu’il l’avait fascinée, malgré lui.
De longues nuits, de grandes conversations…blablabla et le sort avait été jeté.
Quand survint la timide annonce d’un amoureux malaisé…un peu gauche et pas très adroit.
Son sens de la rhétorique s’étant soudain évanoui, il avait laissé place au silence et aux sourires grimaçants.
Nulle question de fiançailles -oh non my God !- juste un geste, une offrande, pour signifier une inclination à son encontre.
Elle fut cependant surprise, ne s’imaginant pas susceptible d’éveiller de tels sentiments sans les avoir vivement sollicités.
Mon Dieu, quel embarras !
Cette drôle et étrange histoire s’acheva en le jour où elle disparut brutalement des écrans radar ayant décidé, après une ultime volte-face, de ne plus aimer l’école ; plus jamais.
Beuh ?…
(C’est ainsi…)
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