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Posté par BernartZé le 8 juin 2014
La chute de l’arbre
Moi j’aurais bien aimé… un peu plus d’humour et de tendresse.
C’est dommage que la vie soit si mal faite, mais c’est ainsi.
De même que le kaâk tunisien n’a rien à voir avec le Cac 40 ni le cake anglais (encore moins le far breton !), j’aurais préféré mourir à un âge plus respectueux des dizaines et des arrondis et non dix mois trop tôt.
« Et les Dieux en colère pour punir les humains firent venir sur la Terre les mathématiciens » répétait-on souvent autrefois !
Une maxime qui sonne bien n’est pas toujours sensée ; celle-ci prête à sourire et à discussion.
Etant déjà mort je n’ai plus de temps à perdre pour ce genre de balivernes et de vains débats.
Je voudrais retrouver mon innocence, en chansons si possible.
Revenir en arrière et comprendre pourquoi j’ai été poussé hors de piste avant mon heure.
J’ai beau n’avoir jamais rien eu de commun avec un crâne d’œuf c’est (tout de même) trop inzuste !
Avant de décéder tout allait pourtant si bien : j’étais jeune, gai, sauvage et virevoltant.
Courant dans tous les coins, un brin espiègle, je chérissais par-dessus tous mes quarts d’heure coloniaux durant lesquels, apparemment frappé d’hystérie ou de crises convulsives, je m’octroyais toutes sortes de libertés.
Celles de grimper au plafond (faute de rideaux), de démarrer soudain une course en bondissant d’un starting-block invisible, de courser une souris imaginaire en quête de gruyère ou de poursuivre l’arrachage frénétique de mon coin de moquette préféré.
Et toujours un éclair fou dans le regard ; tatatam !!
Et puis soudain je n’ai plu pu ; plus rien.
Plus la possibilité de boire ou de manger, ni de courir, ni presque de marcher.
En faisant d’infinis efforts je réussissais parfois à faire quelques mètres au bout d’une dizaine de minutes afin d’aller de ma litière au coin du lit où, en boule, j’attendais.
J’attendais sans savoir ce qui m’attendait et surtout à quelle sauce j’allais être mangé, puisque de toute évidence ma fin approchait.
Je me sentais tellement pitoyable que j’aurais pleuré sur mon sort si j’en avais été encore capable.
Mais je n’en avais plus même la force.
Je souffrais sans être capable de le dire.
En route vers la mort on m’emporta enfin.
On me débrancha en douceur au point de donner l’illusion de glisser dans du coton.
Dire que j’ai manqué de si peu mon vingtième anniversaire !
Fondu au noir…
(© 2014/droits réservés)
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