Accident de parcours
Posté par BernartZé le 25 avril 2015
Cette nuit-là
Trois décennies plus tard que restait-il ?
Une course une folie un anéantissement un crime ; et des cris étouffés à se mordre le poing.
Une trahison surtout qui la mortifia tant qu’elle ne put s’en remettre ; jamais.
En plus des cicatrices sur son poignet, elle avait gardé un souvenir amer de ces années.
Ses amis l’avaient trompée, bon, mais le plus grave était qu’ils avaient tous -elle aussi- fait semblant de s’en accommoder ensuite sans jamais en parler ensemble.
Progressivement, les jours suivants, elle avait fini par comprendre ce qui s’était passé, découvrant avec effarement l’ampleur de la faute.
Marquée à jamais ; et pourtant du déroulement de cette maudite nuit elle avait conservé peu d’images.
Elle se revoyait seulement très bien marchant le long d’une chaussée sans savoir pourquoi elle avait échoué là, si loin du campus.
Comment avait-elle réussi bien plus tard à regagner sa chambre avant de s’en prendre physiquement à elle-même ?
Une fois de plus mais bien plus violemment et profondément que lors des « cérémonies » précédentes.
Après des heures au bord du vide, après une nuit sans fin, après des pages griffonnées à la hâte pour tenter de se débarrasser des scories en appuyant là où ça faisait si mal, elle s’était réveillée au petit matin, après s’être finalement endormie, épuisée.
Hagarde, elle avait passé la journée entière à flotter de malaise en mal être…revoyant ses « amis » comme si rien n’était arrivé.
Mortelles pensées pour ses assassins devant lesquels elle s’obligea à sauver la face par pur orgueil ; hors de question d’afficher son dépit.
Apparemment elle y parvint si bien qu’ils ne semblèrent jamais deviner le feu qui la dévorait.
Ils n’ont jamais su ce qu’ils avaient fait.
Et elle leur avait pardonné…
La vie reprit son cours sans qu’elle réussisse à guérir ; ils restèrent amis jusqu’à ce que leurs routes ne finissent par naturellement se décroiser.
Les nouvelles échangées se firent rares puis ne furent plus. Chacun prit son envol, mais elle resta à terre, décidemment réfractaire à toute forme de résilience ; bien incapable de renaître de ses cendres !
« On n’oublie pas, on s’habitue » avait-elle écrit (pour elle-même) au cours de son dernier hiver, sans parvenir à croire à son mensonge.
Après avoir tout essayé pour résister farouchement, son cœur avait fini par lâcher prise, faute de volonté.
Nerens, Nerens…
(© 2015/droits réservés)
Nerens
Nerens, Nerens, tu perds la mémoire de mes souvenirs heureux,
Nerens, Nerens, tu revois le soir où je fus si malheureux,
Perdu dans le noir suivant la trace j’ai poursuivi mon errance
Mais tout au long de ce long couloir il n’y avait que toi Nerens.
Soudain des bruits à peine perceptibles c’est alors que je m’enfuis
A bout de souffle courant comme un fou je hurlais seul dans la nuit,
J’ai tout compris en un seul éclair, foudroyé j’ai trébuché
Sur mon amour imaginaire, détourné vol inachevé.
Des larmes au cœur violence dans les yeux, j’ai laissé parler la haine
Brûlante fièvre enflamme âme fiévreuse testant tension sur mes veines
Sillons se creusent jusqu’à ce qu’elles cèdent, lame rencontrée dans le noir
Fêlures d’amour m’ont tué ce soir, le rouge coule sans plus d’espoir.
Nerens, Nerens, tu perds la mémoire de mes souvenirs heureux,
Oubliée fin de mon histoire, est venu le temps des aveux
Dérive d’un corps d’un cœur déchiré qui n’en peut plus des adieux,
Nerens, Nerens, oublie-moi ce soir, j’ai la mort au fond des yeux.
(© Stéphane Bernhardt et La Pensée Universelle, 1988)
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