![La Pathétique](http://bernartze.e.b.f.unblog.fr/files/2015/07/la-pathetique-300x290.jpg)
La Pathétique
(Symphonie sonate et suite…cinq ou dix ans plus tard)
Tant elle était déçue après avoir rêvé…
Et oui le temps avait passé !
A l’heure de faire le bilan de ses soixante ans et quelques (depuis cinq mois et quatre jours) il lui était impossible de ne pas grimacer un peu.
C’est pourtant ardemment et passionnément qu’elle avait attendu le messie ; elle avait cru le rencontrer, il s’en était vite allé ; peut-être n’avait-elle pas su le retenir ou bien n’étaient-ils pas faits pour « vieillir ensemble »… ?
Cette expression l’ayant toujours rebutée (presqu’autant que le cliché mortel résumé par la formule « l’homme de sa vie »), elle regrettait bien moins l’échec d’un couple que le naufrage de sentiments finalement mal partagés.
D’ailleurs qu’avaient-ils partagé durant près de trois années ?
Une couche (!) des rires mais surtout beaucoup de silences et d’incompréhension.
L’amour -s’il avait existé- n’avait pas survécu.
Son reflet dans la glace lui renvoyait en négatif
une image implacable et cruelle.
Comme pour tous, le temps -inexorable- l’avait érodée ; entre les rides et les larmes bien obligée de l’admettre.
Impossible de nier aussi la moue qui s’était naturellement dessinée au fil des épreuves et des déceptions.
L’heure des éclats de rire était doucement passée ; avec elle le rouge-à-lèvres vermillon
et les robes de gala
.
Plus de cui-cui
pour dire tout son amour, foin de falbalas, tout dans la terne discrétion désormais !
Heureusement de sa rencontre avec son fils était née une belle histoire et un grand amour.
Elle avait adopté Jorge (prononcer Rórché) quand il avait déjà trois ans ; c’est pourquoi après réflexion elle avait renoncé à le « rebaptiser ».
Et puis ça sonnait bien en espagnol et à quoi bon gommer ses origines colombiennes que les couleurs de son visage ne voulaient pas dissimuler.
Elle l’avait donc élevé seule puisque le hasard et la vie en avait décidé ainsi.
Bien sûr aujourd’hui adolescent un père ne pouvait que lui manquer davantage ; elle se sentait évidemment entièrement responsable de l’avoir involontairement privé d’une figure paternelle.
Il ne s’en était jamais plaint…et elle ne pouvait s’empêcher de penser que cela viendrait bientôt, crise d’adolescence oblige.
Une nouvelle décennie !
A cet autre tournant de sa vie elle ne pouvait éviter de se voir pitoyable et un brin lamentable.
Et les synonymes pour se complimenter ne lui manquait pas tant elle se trouvait navrante.
Après avoir trop rêvé dès son plus jeune âge elle savait aujourd’hui pourquoi elle était si déçue par la vie.
Sa symphonie
en si mineur lui apparaissant simplement pathétique elle n’avait pas de quoi sauter au plafond pour y faire des claquettes
.
Si elle ne traînait plus comme autrefois sa mine désolée dans les cafés
jusqu’à plus d’heure, elle n’avait pas trouvé le temps de s’ennuyer depuis qu’elle était devenue mère.
Pourtant le goût amer de l’inachevé
demeurait sur ses lèvres…
http://bernartze.unblog.fr/2010/02/20/que-de-questions-existentielles-3/ (pour lire le début de cette histoire…en cas de crise de curiosité aiguë)
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