Risques et périls
Posté par BernartZé le 26 octobre 2015
Fleurs et couronnes
En un deuil annoncé il s’était progressivement avancé vers sa mort.
Sa sœur aînée tant adorée venait de les quitter quand son petit frère émit des signes de fatigue et de grande lassitude ; à peine rentré du cimetière il ne trouva rien de mieux que d’attraper un vilain virus à la tête de martien , méchant pas très content mais aux yeux bleus.
Il ne lutta même pas pour la forme, pas même pour faire illusion et se laissa emporter en douze jours ; fatigué et vaincu.
Retour et pèlerinage au caveau de famille où l’on semblait désormais tenir salon .
La conversation tourna rapidement court faute d’intervenants.
Les enfants étaient loin, les petits-enfants n’étaient pas venus ; seule une arrière-grand-tante (très) éloignée lui tint compagnie en opinant du chef et en ne pipant mot ; rassérénant !
Il rentra ce jour-là retrouver sa collection de pièces de monnaie à commencer par sa plus belle prise en argent .
Numismate il était depuis l’enfance, numismate il demeurerait jusqu’au bout en souvenir de sa sœur qui l’avait initié.
Le 31 juin, jour qu’il créa pour l’occasion, il décida de célébrer ses morts ; d’autres fêtent la Toussaint, lui ne voulait pas attendre et bousculant le bel ordre des saisons il instaura officiellement le jour de ses propres défunts.
En grandes pompes tout en blanc il retrouva les fauteuils du caveau familial et sur la table basse disposa autant de coupes que de convives pour sabler le champagne avec ferveur ; il se sentit tout de même un peu seul.
Au cours de mûres réflexions il éprouva le besoin de revoir de vieilles photos plus jaunies que blanches et noires et il faillit mourir d’ennui ; elles ne ressemblaient plus à rien, elles ne lui ressemblaient plus et ne lui rappelaient que de vagues souvenirs qu’il préféra effacer d’un geste.
A quoi bon se faire du mal en se penchant sur un lointain passé au risque de tomber ?
Son dos était suffisamment courbé depuis une décennie, ses muscles dorsaux ayant tous renoncé à combattre de concert, il n’était plus question de faire des efforts inutiles ou stupides comme celui-là.
A bien plus de quatre fois vingt ans il n’était franchement pas raisonnable de s’exposer à de tels périls sous prétexte de se défier.
Mais l’orgueil.
Le refus d’admettre qu’il n’était plus ce qu’il avait été lui fit prendre des risques démesurés ; inconsciemment (ou pas) il franchit la limite qu’il savait pourtant ne pouvoir dépasser et à force de tirer physiquement sur la corde, elle se rompit.
Son moral -logiquement- ne tarda pas à virer au gris et il commença doucement à dépérir.
De maux en non-dits aux partages impossibles il finit par devoir se coucher.
Quand la mort vint enfin le couvrir de son aile.
(© 2015/droits réservés)
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