Champêtre en ville
Posté par BernartZé le 17 mars 2016
Belle des champs
Ignorant les secrets de son cœur, Perrette ne se savait pas aimée.
Elle avait vingt-cinq et une fille de deux ans qu’elle élevait seule.
Vivant dans un petit deux-pièces au sud d’une grande ville elles avaient vite pris leurs repères et leurs habitudes après un emménagement précipité sept mois plus tôt ; Chloé marchait déjà bien et avait fait plusieurs fois le tour du propriétaire en traînant derrière elle son petit animal avant de donner son assentiment ; lui s’était contenté d’un « wouaf wouaf ! ».
Après un emploi précaire, Perrette avait eu la chance de trouver une place pour une durée indéterminée dans un supermarché asiatique fort bien rangé.
Folle de vermicelles de riz et de sashimis elle était aux anges !
Naviguant sur entre les rayons elles se sentaient utile et dans une forme olympique, tout en faisant mentalement ses emplettes du jour.
Elle rêvait encore d’embrassades et de fleurs en pétales étalés .
Seule avec sa fille elle se disait heureuse mais au fond de son cœur elle ne pouvait ignorer un sentiment amer, un regret, une angoisse qui revenait la surprendre parfois.
Elle avait peu d’amies, pas d’ami, et ne songeait pas réellement à une nouvelle rencontre.
Quand déboula dans sa vie un bouquet de jonquilles et de gypsophiles .
D’un jaune éclatant, d’une harmonie racée, elle le reçut une après-midi de printemps, encore plus stupéfaite que surprise.
Pas plus d’explications que de signature.
Un mot unique qui l’intrigua la bouleversa et lui fit peur avant de pouvoir envisager un hommage ou une attente.
Un gigantesque lui barrait la vue, l’empêchant de penser.
Incapable d’imaginer qui pouvait bien être l’auteur de cette offrande, elle se perdit en conjectures avant de devoir renoncer.
Sans doute ne saurait-elle jamais s’il s’agissait d’un client croisé entre deux rayons ou d’un voisin de palier timide et maladroit.
C’est en retournant au bureau de poste près de son domicile qu’elle crut comprendre.
Dans un espace clos elle avait eu un tête-à-tête de dix minutes avec un conseiller qui ne l’avait pas convaincu.
Il lui avait paru étrange, semblant la regarder intensément, troublé et incapable de lui vendre le moindre « produit ».
Il avait même failli tomber de sa chaise !
Il n’avait rien dit de plus qu’au revoir, mais elle était ressortie avec un sentiment bizarre.
Le bouquet s’est fané ; il ne s’est jamais déclaré et elle n’a jamais su qui lui avait fait livrer ces jonquilles.
(© 2016/droits réservés)
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