Problème universel
Posté par BernartZé le 18 juin 2016
Ne partez pas sans moi
Nous n’avons plus vingt ans, surtout vous.
Ce n’est pas une raison suffisante pour filer à l’anglaise et me laisser seul éploré.
Que ferai-je sans toit sans vous sans mon enfance, sans notre histoire et vos souvenirs ?
Après vous tout aura disparu, la maison s’écroulera sans ses murs et le froid, mon ennemi juré, m’envahira pour toujours.
L’angoisse me tord les doigts, mes ongles s’enfoncent dans ma propre chair à l’idée de n’avoir plus personne à qui demander mon chemin, personne pour me donner d’autres conseils…quitte à ne pas les suivre.
Je vous détesterai de vous en être allé.
Je resterai ce gamin apeuré d’avoir été perdu dans un aéroport.
Ne pensez pas m’attendrir en me racontant qu’à présent vous êtes vieux et fatigués, presque pliés en deux au-dessus de vos tombes et que -bientôt peut-être- vous vous sentirez partir.
Je ne m’attendris pas, j’ai peur, plus froid encore.
Peur de ne pas être prêt, de ne pas être à la hauteur de mes devoirs.
Qui faudra-t-il implorer pour parvenir à me montrer digne et responsable, le fils que vous deviez rêver que je devienne ?
La faute m’incombera tout entière si je me révèle lâche et incapable.
Je n’ai jamais su comment organiser une fête, alors deux enterrements vous pensez !
Si vous me laissez tomber, voilà ce qui vous attend : vous resterez en chemin mal garés, quelque part en double file entre votre demeure et celle supposée devenir votre dernier lieu de résistance…résidence, pardon.
Vous aurez beau m’en vouloir pour ce manque d’égards et de reconnaissance, je serai obligé de ne pas vous entendre, sourd à vos doléances, par faiblesse ou extrême veulerie.
Dans mon égarement je ne sentirai plus la honte, égoïste et inquiet de mon possible effondrement.
« Probable » serait plus juste tant je ne vois pas de quelle façon je vais réussir à survivre à la perte des seuls êtres que j’ai jamais connus depuis mon premier jour.
Ma sœur vous a quittés avant que je n’arrive ; nous n’en avons jamais parlé mais j’imagine votre douleur restée muette pour m’épargner.
Vous avez eu cette force que je n’égalerai jamais.
Me souvenant de la bonne éducation que j’ai reçue, je tente de me rassurer en me disant que le jour venu je saurai me montrer digne de vous ; soutien dérisoire en regard des doutes qui m’habitent à cette heure.
En toute logique je ne vois que deux solutions à cet épineux problème : soit vous vous abstenez de mourir, soit vous me laissez le temps de partir le premier.
Par avance merci…
(© 2016/droits réservés)
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