Mauvaise « tac tic »

Posté par BernartZé le 15 juillet 2016

Un dimanche après-midi à l'Île de la Grande Jatte (Georges Seurat, 1884-1886)

Je haïssais les dimanches

  

            Dès le premier réveil comateux Les matins comateux la dérive commençait.

Il fallait pourtant bien finir par se lever.

 

     S’extirper du lit fatigué et gris comme un lendemain de réveillon dont on ne garde que l’amertume était en soi un immense effort nécessitant une grande volonté.

Le corps semblait lourd, les muscles atrophiés n’aidaient pas à retrouver un semblant d’énergie pour faire bonne figure ; pas davantage l’envie de sourire que de parler.

Mieux valait éviter de croiser quiconque avant le déjeuner.

La matinée passait, infructueuse.

Assis hagard au bureau le premier travail consistait à se sortir de cet état de torpeur proche de la léthargie.

L’hébétude durait des heures semblant repousser les limites de la passivité intellectuelle.

Impossible de commencer à travailler, tout juste le courage de jeter un œil au programme du jour ; priorité donnée aux leçons et devoirs bien sûr.

Et l’esprit, afin de fuir ses responsabilités, s’évadait.

Mais c’était quoi cette horrible tapisserie qui faisait face OLYMPUS DIGITAL CAMERA ?

Des papillons écrasés à figures de gommettes, des trèfles à quatre feuilles ou bien des fleurs à cœurs carrés ?!

Un vrai cauchemar ces couleurs qui n’en étaient pas ; de quoi rendre neurasthénique n’importe quel gai luron ; davantage quelqu’un d’une nature plus sombre.

Tiens ce livre en cours de lecture qui attendait d’être repris en mains, pourquoi ne pas en lire quelques pages ?

Et puis où en était resté le journal ?

Les matinées des dimanches passaient infructueuses.

 

     Sitôt la table du déjeuner débarrassée, retour à la case départ avec l’impérieuse nécessité de se mettre -cette fois- sérieusement au travail !

Se concentrer, ne plus se disperser faute de temps et soudain la prise de conscience qui déclenchait toujours la même angoisse : celle de ne pas y arriver.

Le devoir de maths laissé en plan la veille, la dissertation qui demandait réflexion depuis plus d’une semaine que le sujet avait été donné ; et puis quelques menues révisions en vue de la journée du lundi.

La problématique du dimanche n’était absolument pas liée à l’idée de retourner en cours le lendemain, bien au contraire quand on a plaisir à retrouver ce théâtre vivant, mais à la crainte la peur et l’angoisse de n’avoir plus assez de temps pour être prêt à commencer une nouvelle semaine.

Problème d’organisation et de logistique ; encore et toujours cette fameuse procrastination !

Cette mortelle tendance à passer plus de temps à prendre son élan qu’à passer à l’action finissait inévitablement par faire basculer le reste de la journée dans un état d’anxiété croissante qui prenait sa pleine mesure dans la soirée et parfois jusque très tard dans la nuit.

La peur au ventre capable de provoquer des crises de panique menant à un degré de stress susceptible de faire sauter les plombs Brain stressed devenait paralysante.

Il fallait pourtant l’ignorer, non sans mal, pour travailler enfin.

 

     Tournaient les heures ; passé minuit le compte-à-rebours était lancé Compte à rebours.

Il fallait penser et écrire vite, faire appel à toutes les forces du cerveau pour achever à une heure indue ce qui aurait déjà dû l’être au moins depuis la veille.

Il aurait tellement mieux valu pouvoir partir en promenade en famille dans l’après-midi en pleine nature ou au bord d’un lac.

Mais non, cela ne se passait jamais autrement et le dernier couché à pas d’heure était toujours le même.

Qui donc chantait autrefois sa haine rageuse des dimanches ?

Ah oui ! La muse de Saint-Germain-des-Prés Muse de St Germain.

Mais c’était pour de toutes autres raisons.

 

            Quand l’impatience du lendemain devient affolante on fait parfois n’importe quoi.

 

 

Je hais les dimanches - Juliette Gréco (1952) 

(© 2016/droits réservés)

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