Une histoire de village

Posté par BernartZé le 5 août 2016

Topaze (tête de gendarme !)

Le gendarme et le petit mitron

  

            L’un n’était pas plus militaire que l’autre apprenti boulanger.

 

     Leurs comportements respectifs prêtant à confusion il y avait de quoi s’interroger sur leurs identités.

Voisins, ils se donnaient des airs comme pour mieux se défier du regard alors qu’ils ne s’adressaient jamais la parole.

L’aîné -de toute évidence le plus âgé- arborait une mine sévère et se baladait le dimanche à travers le village avec un splendide képi de colonel Képi colonel de gendarmerie dont il était particulièrement fier ; personne n’osait plus le verbaliser pour ce port abusif d’un élément d’uniforme.

Son voisin, pour le toiser peut-être, avait essayé de trouver une toque digne de sa lubie Toque de boulanger ; faute de commerce de boulange encore en activité dans le village, il avait dû…monter sur un toit pour en redescendre autrement coiffé Mitron - sortie de cheminée (après nettoyage).

Sa tête penchait un peu sous le poids mais il était ravi.

 

     Le village Village de T., bien plus de pierres que d’habitants, s’amusait de ce concours de frappadingues.

Durant la semaine les paris étaient ouverts : au lieu de perdre leur argent aux courses, les quarante-six autres administrés se réunissaient à la mairie pour miser sur le bon cheval, à savoir celui qui aurait l’air le plus stupide au sortir de la messe ; nul ne pénétrait couvert dans l’église.

Les critères étant aussi nombreux que subjectifs ils ne tombaient jamais d’accord.

Le but du jeu était de faire partie de la majorité (relative) pour espérer partager les gains : dix francs (nouveaux) misés par personne sauf pour les cinq ou six qui venaient là au spectacle dans l’unique but de se distraire.

Les semaines fastes les gagnants pouvaient rêver remporter cinq francs en plus du remboursement de leur mise.

Pas de quoi déménager (nul n’en avait envie) ; ces deux-là le faisaient tellement bien pour eux tous !

 

     Personne ne se souvenait quand et comment ce jeu de barjots avait commencé entre eux deux.

Sûrement plusieurs décennies mais moins d’un demi-siècle vu l’âge du cadet.

Quelle idée aussi de venir habiter tout à côté…dans la maison mitoyenne qui plus est !

Des rumeurs avaient couru ; on avait dit qu’il était revenu de Chine avec des images de guerre plein la tête bien éloignées de ses rêves calmes et tranquilles originels Chine, 2014.

Sa mère était paraît-il morte en son absence d’une mystérieuse et foudroyante maladie ; il n’en fallait pas davantage pour inventer une légende au cœur du village.

A peu près à la même époque son futur voisin avait commencé à jouer les gendarmes n’hésitant pas à user du Sifflet pour asseoir son autorité afin de faire régner l’ordre dans la bourgade qui lui semblait aller à vau-l’eau.

Il avait rapidement choisi son couvre-chef dans le but d’être pris au sérieux.

Peine perdue, tous riaient sous cape sans s’inquiéter de sa folie légèrement galopante.

Quand le Chinois avait emménagé, son sifflet s’était fait entendre de manière plus stridente et répétée, devenant ainsi son seul mode d’expression.

Il avait toujours l’air furax, comme un coucou hystérique voulant constamment s’échapper de l’horloge Coucou !.

Et lorsqu’il croisait son voisin sa colère semblait redoubler.

 

     Le jour où celui-ci fit une chute mortelle d’un toit après avoir voulu changer de chapeau il n’émit plus un son se renfrogna et ne sortit plus de chez lui.

 

            C’est après l’enterrement que l’on sut qu’il venait de perdre son fils.

 

 

Chat noir, chat blanc

(© 2016/droits réservés)

Laisser un commentaire

 

60 millions de cons somment... |
riri1524 |
Le Plateau Télé de KeNnY |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Soft Liberty News
| t0rt0ise
| Bienvenue au Thomaland