Des silences effacés
Posté par BernartZé le 19 septembre 2016
Pour toute réponse
Je la savais capable de tout.
De tout quitter sur un coup de tête ; elle est partie ailleurs.
Un soir elle m’a dit « J’suis pas bien » ; elle ne parlait jamais ainsi, c’est dire comme elle devait aller mal.
Il a fait particulièrement froid ce soir-là dans sa tête.
J’aimerais pouvoir lui présenter mes excuses pour n’avoir pas compris son mal-être.
Elle avait fini par s’ennuyer ; je crois même que ce sentiment l’avait de tous temps envahie au point de devoir toujours lutter contre ce qu’il pouvait entraîner de malheurs.
Son était inné ; son insatisfaction existentielle l’avait cueillie au berceau.
Elle avait grandi sans même savoir son inclination à la désillusion.
Je me souviens qu’elle aimait beaucoup cette aquarelle dont l’attente muette lui ressemblait peut-être.
Je l’avais même surprise une fois s’abîmant dans la contemplation d’une petite reproduction qu’elle ne cachait plus, l’installant en bonne place sur sa table de nuit.
Elle n’eut pas à répondre à la question que je n’avais pas osé lui poser.
Un matin où je m’étais levé après elle j’ai trouvé son trousseau de clefs sur la table du salon ; j’ai pensé à un oubli.
Elle n’est jamais rentrée n’éprouvant certainement plus le désir de le faire.
Ses clefs abandonnées n’avaient plus de sens pour elle, de même que toutes les affaires qu’elle avait laissées dans les placards et les tiroirs.
Je n’ai jamais su où et peut-être vers qui l’avait conduit son exil.
Des amis bien intentionnés m’avaient dit l’avoir vue en bonne compagnie ; d’autres l’avaient croisée lors d’un week-end à Londres ; quelqu’un l’avait vue de ses yeux vue au bord du Gange en train de faire ses ablutions du matin.
Mais pourquoi tous ces gens voulaient-ils à tout prix faire d’une histoire simple une légende ?
Pensaient-ils ainsi me consoler et répondre à mes interrogations ?
De mon côté j’ai préféré l’imaginer toujours diaphane évanescente dans un paysage à moitié effacé tout en me contentant de son silence pour toute réponse.
Un sentiment demeure teinté d’une once d’amertume.
(© 2016/droits réservés)
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