Drôle de rencontre

Posté par BernartZé le 25 octobre 2016

Mes roues

Poisson volant

  

            Il s’était littéralement jeté sous Mérou céleste comme plongeant en apnée.

 

     Par inadvertance, dans un moment d’inattention, j’avais gravement péché ce jour-là au point de faillir tuer un homme.

Saisi par la peur j’avais senti mon sang ne faire qu’un tour avant de pouvoir bondir hors de mon véhicule pour porter secours à ma victime.

Il s’était déjà remis seul sur pieds, s’excusant de surcroît d’avoir été si maladroit ; j’en suis resté deux secondes bouche bée avant de lui demander si tout allait bien (rien de cassé ? pas de douleur ?).

Il me dit -l’air contrit- qu’il pensait à autre chose en traversant la rue et qu’il était fort désolé d’avoir provoqué un tel dérangement.

« Fort désolé » ? Le comble de la culpabilité !

 

     Ne pouvant me permettre de le quitter aussi vite qu’il était tombé je l’ai convaincu de nous accorder un peu le temps de reprendre tous deux nos esprits assis dans un café.

A peine installés il s’excusa à nouveau pour sa maladresse, m’expliquant que ses chaussures glissaient sur les Pavés mouillés ; il faisait très beau temps en cette après-midi printanière.

Plus je l’écoutais me parler de sa distraction habituelle façon Pierre Richard, plus j’entendais une autre voix tue.

Certes j’ai toujours eu la fâcheuse tendance de prêter à autrui des intentions cachées, mais dans ce cas je ne cessais de percevoir le côté plus sombre d’un individu voulant faire passer sa plongée sous mes roues pour une simple glissade.

C’est drôle comme l’on peut se faire parfois des idées sur un parfait inconnu croisé par le plus grand des hasards.

Mais…était-ce un hasard ?

Les interrogations les plus absurdes ne cessant de s’enchaîner dans mon esprit, je finis par me sentir agressif en lui parlant.

Alors qu’il tentait de me rassurer sur ce non accident de la route, j’essayais de le pousser dans ses retranchements, au-delà des barricades émotionnelles que je croyais présomptueusement avoir devinées.

Je dus reconnaître en mon for intérieur que je voulais lui faire avouer ses véritables intentions au moment de traverser.

Évidemment notre rencontre était due au hasard…mais sur une impulsion ou par une froide détermination il avait choisi mes roues dans l’espoir d’en finir, comme préfèrent dire ceux que les mots justes effrayent.

Plus je refoulais cette idée plus j’en faisais une conviction intime.

Au moment de nous quitter, sans regrets, je lui en voulais clairement de n’avoir pas accepté de se confier à moi.

En conséquence, par association logique d’idées et de mots, il ne m’avait pas jugé digne de sa confiance.

J’en fus mortifié et déçu.

 

            Je n’ai jamais su si mes quatre roues avaient rencontré en ce jour de printemps un réel candidat au suicide…ou bien un patineur Le patineur professionnel.

 

     Le poison violent était sans doute déjà inoculé en moi…

  

 

Mortelles pensées  (mortelles pensées)

 (© 2016/droits réservés)

2 Réponses à “Drôle de rencontre”

  1. Christine dit :

    Humm, voilà que vous ravivez deux souvenirs.
    Un père, son enfant dans les bras, qui s’est précipité, heureusement sans mal, sous mes roues il y a … fort longtemps. J’espère qu’il n’y avait aucune intention morbide dans son geste, seulement une dangereuse étourderie !
    Plus récemment, c’est moi-même (je l’avoue) qui est terminé ma course à vélo sur le capot d’une jeune femme qui a dû avoir la peur de sa vie :/
    Nota : le sujet est grave, l’iconographie se fait rare.

    • BernartZé dit :

      Grave est aussi la question : comment survit-on à un accident ayant entraîné la mort d’autrui ?
      Le pardon de soi est-il un jour possible ?
      (j’espère ne jamais connaître la réponse)

      …B.

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