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Lettre au passé

Posté par BernartZé le 21 novembre 2016

Darvilim

Perdu de vue

  

            Que deviens-tu l’ami depuis que je t’ai laissé tomber ?

 

     Je t’avais inventé il y a près de quinze ans.

Sitôt créé tu avais décidé de partir, de tout quitter, à commencer par ton filin d’acier ; rompant l’équilibre entre vous les adieux avaient été déchirants le laissant orphelin.

 

Tu avais pris la route à pieds pour voir le monde, pour découvrir un autre horizon que celui du funambule que tu avais toujours été.

De là-haut les gens que tu ne connaissais pas semblaient petits mais si vivants.

Une véritable question de vie ou de mort tant tu n’en pouvais plus t’avait conduit à mettre pieds à terre ; cette impérieuse nécessité avait failli plus d’une fois te faire tout lâcher quitte à tomber à la renverse.

Parti à l’aventure le cœur battant tu avais vite réalisé que tu ne savais rien de la vraie vie.

 

Rattrapé en chemin par le prolongement d’acier de ton ombilic tu avais eu grand mal à le convaincre de rentrer seul à la maison après qu’il a tenté de t’hypnotiser puis de t’étrangler -par dépit- de ses propres Mains M. (extrait de l'affiche du film de Joseph Losey, 1951) ; tu t’es reproché alors de le maudire un court instant.

Autant qu’il m’en souvienne au cours de ton long périple tu avais fait quelques rencontres marquantes, découvrant l’amitié et même l’amour.

Toi qui ignorais le sens du mot « convivialité » tu t’étais retrouvé chaleureusement accueilli par une famille de paysans qui t’avait proposé logis couvert et feu de cheminée.

Épisode marquant, difficiles adieux.

Mais toujours te poussait le besoin de repartir pour apprendre ailleurs.

 

Et sur une plage un soir cette inconnue rencontrée t’avait offert -quelques jours plus tard- ton premier Noël et ta première montre bracelet Montre bracelet.

Tendres moments, maladresses et touchantes hésitations.

 

     Rêves de voyages, voyages en songes ; cinquante-quatre jours de coma après ta chute vertigineuse tu t’étais réveillé dans cette chambre d’hôpital sous le regard bienveillant d’une infirmière de nuit que tu avais cru reconnaître.

Quelques fractures, des ecchymoses, mais surtout la stupéfaction d’être plus que jamais vivant.

Le champ des possibles était grand ouvert.

 

            Qu’as-tu fait depuis ce temps qui me paraît tellement lointain que je doute aujourd’hui de ton existence.

Si tu peux écris-moi, donne-moi de tes nouvelles ; je suis presque sûr que tu as su te relever pour disposer de ton avenir.

(je t’embrasse Embrace sculpture)

 

  

 

Œuvre mornée  (roman non publié)

 

(© 2016/droits réservés)

Publié dans Temps révolu | 7 Commentaires »

364 fois le 5ème d’une demi mesure

Posté par BernartZé le 21 novembre 2016

Corps décharné (Marie Tucat, 2007)

Tête de cadavre sur un corps décharné

  

            Tu ne ressembles plus à rien.

 

     Buste de Jules Dalou (Rodin, 1883) Fier toujours tu insistes et signe toutes tes erreurs comme l’artiste que tu fus avant guerre.

Es-tu sorti d’un camp ou échappé d’un hôpital malgré le peu de forces qu’il te restait ?

Quand les médecins t’apprirent que tu faisais moins de la moitié de ton poids de forme tu ne sourcillas pas.

Quel traitement un quelconque tortionnaire t’as-t-il infligé pour te transformer en cette ombre sur le point de passer ?

Tu sembles l’avoir oublié.

 

            Tu fais peur.

 

 

Anonyme  

(© 2016/droits réservés)

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