Drôle de rencontre
Posté par BernartZé le 27 novembre 2016
Une nouvelle vie
Ne tenant plus debout sur ses jambes il était tombé une fois de plus.
Ayant chuté avec lui, sa avait décidé de reprendre sa liberté et sa vie en mains en toute autonomie.
Ras-le-bol de ce vieillard cacochyme !
Lui était bêtement resté là sur le trottoir à attendre une main secourable pour l’aider à se relever ; bêtement resté là sidéré faute de considération et d’attention.
Il avait d’autant plus attendu que la majorité des passants pensaient qu’il mendiait assis par terre au vu de son air résigné ; les seuls regards croisés étaient emplis de compassion vaine.
Perdu sans sa canne qui avait lâchement pris ses jambes à son cou, il se sentit vieux et idiot.
Au bout de trente-deux heures huit minutes et quatre secondes une canne anglaise passa.
« Bon dieu de bois !, se dit-elle, que fait donc ce vieil homme esseulé ? ».
Entreprenante pleine d’aplomb et d’aluminium elle l’aida à se redresser dignement et à marcher jusqu’à un abri où il put prendre le temps de retrouver ses esprits.
Incapable sur le moment de dire s’il faisait jour ou nuit, il savait bien – à quatre-vingt-sept ans – qu’il lui restait à vivre plus de douleurs que de plaisirs.
Cette rencontre surprise le ravit et l’étonna ; il n’aurait jamais attendu un tel réconfort et un appui inespéré capable de redonner des couleurs à son existence.
Le retour d’un peu de chaleur radiante venait à point nommé.
Certes il n’était pas question d’un feu de cheminée mais elle était rassérénante.
Ce précieux soutien inopiné le transfigura.
Il pleuvait sur Brest une fois encore.
Les pigeons volaient bas s’abritant comme ils pouvaient.
Ils étouffèrent un rire en le voyant glisser sur le macadam.
Les yeux écarquillés ils virent sa canne le maintenir à temps et le redresser pour lui éviter une dangereuse chute pouvant transformer son squelette en jeu d’osselets et son corps en chair bien saignante.
Ils ne virent pas le champignon de paille croisé en chemin qui lui fit un clin d’œil.
Hallucinant pour tout autre que lui qui était devenu habitué de ce genre de manifestations étrangères.
Sa canne en était forcément responsable ; depuis le jour de leur rencontre il n’avait pas cessé de voir surgir dans son paysage de drôles d’olibrius.
Ce genre de divertissement l’amusait toujours, l’aidant à accepter de vieillir.
Les années passèrent et il compta son premier siècle.
Sa canne lui présenta alors sa jumelle ; ils poursuivirent tous trois l’aventure.
(© 2016/droits réservés)
Publié dans Étrangement bizarre... | Pas de Commentaire »