Le temps venu
Posté par BernartZé le 8 janvier 2017
Chambre close
Larmes ravalées elle avait refermé la porte à clé.
Larmes bues après ses paroles et la relecture de ses lettres.
L’émotion du souvenir du dernier jour l’avait longtemps empêchée de reprendre son souffle et le cours de sa vie.
Plus rien d’autre n’avait compté durant de longs mois, des années.
Elle avait beau savoir qu’il valait mieux le laisser aller, elle ne parvenait pas à cesser de le retenir.
N’écoutant personne elle avait renoncé à toute vie sociale, préférant même rompre des liens familiaux.
Entretenir la flamme et les souvenirs était son seul souci tant sa survie en dépendait.
De longs mois, des années, son existence était restée en pointillés.
Perdue et pâle elle était retournée sur des lieux familiers, avait dérangé des photos, hanté le passé pour raviver la flamme.
Tout lui manquait : lui, eux, elle dans ses yeux.
Le poids de l’absence avait été monstrueux, phénoménal au point qu’elle avait d’abord pensé ne jamais réussir à se relever.
Rester à terre n’étant pas une option sensée, elle avait fait de leur chambre un lieu fermé, une pièce de secours, un ultime recours.
Installée ailleurs pour tenter de dormir, il lui avait été impossible de ne pas y revenir régulièrement ; trop souvent.
Et de refaire chaque jour chaque nuit le trajet jusqu’à la chambre mortuaire où il était sans n’être plus.
Durant des heures elle voyait repasser des images, relisant des poèmes qu’ils avaient épousés et pleurait un peu tout en se contenant.
Durant des années ce cérémonial avait eu lieu.
N’oubliant rien elle avait réussi à accepter de laisser sa place au vide dans cette pièce condamnée au passé.
Et elle l’avait une dernière fois refermée ; sans larmes.
Plus tard, dans quelques temps, sans doute déménagera-t-elle…
(© 2017/droits réservés)
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