Bella mia
Posté par BernartZé le 11 juillet 2017
Grand-mère est morte !
La nouvelle nous frappa de stupeur.
Elle ne me parvint que deux jours plus tard, telle une déflagration portée au cœur.
Je regarde cette photo où elle semble « en paix avec le monde ».
Il paraît que c’est ainsi qu’elle s’est éteinte dans son lit.
Le soir où le téléphone sonna, je suis resté un long moment silencieux, sentant monter en moi une déferlante émotionnelle qui me noua la gorge au passage, juste avant d’envahir mon cerveau.
J’étais hébété tant je n’étais pas préparé à cette annonce.
J’ai réalisé bien après que je lui avais envoyé trois jours plus tôt une lettre et une carte avec un arbre plein de vie .
L’ombre portée ne l’a sans doute pas atteinte ; elle n’a sûrement pas eu le temps de me lire.
Je ne le saurai jamais.
Les semaines suivantes je n’ai cessé de repenser à elle et à une multitude de moments partagés ; des discussions sans fin devant sa cheminée, des soirées qui se prolongeaient jusque tard dans la nuit, jusqu’à ce que la fatigue finisse par nous engourdir.
« En paix avec le monde »…paisible donc ? ; elle n’était pas paisible et ne l’a jamais été de son vivant.
Très jeune elle s’est révoltée : contre son milieu social, contre son éducation, puis contre toutes les injustices croisées en chemin.
Elle est restée la petite fille qui posait toujours les questions qui dérangent.
Elle est demeurée fidèle à ses valeurs et à elle-même ; certaines personnes de son entourage ne pourraient en dire autant…
Son légendaire petit vélo a toute sa vie durant tourné dans sa tête.
Pour tenter de le maintenir en équilibre elle écrivait des poèmes naïfs et griffonnait souvent dans son cahier d’écolière.
Elle y mettait ses peines et ses pensées, ses regrets ses grands et ses petits délires.
Elle était tant d’autres choses aussi, impossibles à raconter.
Les sentiments contraires qui l’animaient lui faisaient parfois rompre les digues ; elle pouvait alors être de mauvaise foi en toute innocence !
Parfois même injuste voire méchante si l’on se risquait à critiquer un être qu’elle chérissait et qui profitait de son aveuglement.
Elle était entière.
Lorsque la maladie l’a touchée, son appétit de vivre s’en est allé et le monde a progressivement cessé de l’intéresser.
La lassitude et l’ennui l’avaient gagnée.
Je la soupçonne d’avoir préféré lâcher prise.
Ne pouvant assister à l’enterrement je me suis fait représenter par un bouquet fleuri.
Qu’importe si elle n’était pas vraiment ma grand-mère et si nos liens n’étaient pas de sang.
(© 2017/droits réservés)
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