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Amoureuse ?

Posté par BernartZé le 8 septembre 2017

32,0

L'amour à distance

Un divertissement

  

            En ce temps-là en regardant par la fenêtre tomber la pluie je pleurais toujours.

 

     Il faut dire que je m’ennuyais fermement les après-midi chez moi en vacance d’emploi.

J’avais l’impression de n’avoir plus rien à lire, la flemme de sortir pour une séance de cinéma, pas même pour revoir un vieux classique, et les programmes télé d’après-midi me donnaient l’impression d’avoir cinquante ans alors que j’allais en avoir trente-deux.

J’aurais pu aussi tricoter faire des puzzles ou rempoter les jardinières que nous avions sur le balconnet auquel la baie vitrée du salon donnait accès.

Mais je n’avais pas envie de me salir les mains.

 

Les matinées étaient consacrées à mes recherches d’emploi, n’importe lequel ou presque au point où j’en étais et en dépit d’un Master d’Anglais qui ne m’avait servi qu’à me perdre dans l’enseignement supérieur durant cinq longues années difficiles ; j’avais assez donné pour ne pas vouloir retomber dans cet écueil.

Dès sept ou huit heures du matin je m’installais devant mon ordinateur pour pianoter lire des annonces et des offres, déposer des CV en ligne et des courriers de motivation même s’ils étaient le plus souvent mensongés.

Au sortir de l’hiver, toujours pas la moindre réponse.

Un jour de pluie, triste et seule (l’homme qui partageait ma vie s’était absenté une semaine pour des raisons professionnelles) j’eus la curieuse idée (pour moi) de chercher un forum de discussions.

J’ai trouvé des sites de rencontres ; j’en avais vaguement entendu parler, sans plus.

J’ai cliqué sur un nom au hasard ; pas d’inscription obligatoire juste un pseudonyme à donner ce qui m’arrangeait bien vu que je ne venais que le temps d’une petite visite.

J’ai découvert des pseudos plus ou moins fantaisistes ou prétentieux, des messages parfois étranges ainsi que des profils flatteurs et des photos avantageuses.

Tout le monde ou presque avait l’air beau jeune frais et désintéressé.

J’ai parcouru une longue liste et, alors que je commençais à m’ennuyer, mon regard s’est arrêté sur le détail d’un message : « …aime particulièrement observer son poisson rouge tourner dans son bocal ».

Poisson rouge dans son bocal J’ai trouvé ça drôle et décalé.

 

     Je me suis aventurée à en lire davantage sur…un certain David (son vrai prénom ?).

Il s’avait écrire et s’exprimait intelligemment sur divers sujets qui m’intéressaient comme la musique la littérature et le cinéma.

S’il se disait seul il se gardait bien de décrire le physique d’une femme qu’il aimerait rencontrer, ne parlant que de son intelligence et de sa sensibilité.

De beaux mots, certes !

Au bout d’un long moment passé à hésiter, à peser le pour et le contre et à me souvenir (tout de même !) que j’avais laissé de côté mes recherches d’emploi depuis près d’une heure, je me suis lancée.

Après tout mon « profil » se résumait à mon pseudonyme et à mon genre féminin ; je ne prenais pas de risque et je n’avais rien à perdre.

Mon premier message a dû à peu près être « Bonjour, comment se porte votre poisson rouge ? ».

Et lui de me répondre « Très bien merci. Vous en avez également un ? »

Et ainsi de suite…

Évidemment nous avons vite enchaîné sur d’autres sujets plus aptes à exciter nos neurones et nos cellules grises.

 

J’ai attendu trois jours pour retourner sur le site et David était toujours là.

Lui demandant s’il passait ses journées à pianoter il me dit que non mais qu’il venait simplement chaque matin lire d’éventuels messages.

- « Et vous en avez beaucoup ? » ; – « Non, pas du tout, mon poisson rouge ne semble pas attirer les pêcheurs en ligne ».

Il ajouta que je lui avais manqué et qu’il avait beaucoup apprécié notre premier échange.

Par la suite nous avons pris le pli de nous retrouver tous les deux jours, et rapidement l’habitude est devenue quotidienne.

 

     Au fil des semaines nous avons fait plus ample connaissance.

Je commençais à avoir des scrupules : mon « mari », qui était bien sûr rentré depuis longtemps, ignorait tout de mes recherches d’emploi matinales.

Mais n’ayant pas le sentiment de le tromper en lui taisant ce coin de jardin secret, j’ai poursuivi mes visites sur le site.

[Toujours pas la moindre réponse concernant toutes les offres d’emploi auxquelles je continuais de postuler]

 

     Et ce qui devait logiquement se produire est arrivé : nous avons échangé nos numéros de téléphone.

S’en est suivi une série de discussions téléphoniques de plus en plus longues chaque matin qui a vite mis un terme à ma quête d’emploi, ce dont je n’étais pas fière.

Je sentais bien que je m’attachais, lui-aussi apparemment.

J’aimais toujours mon « mari », mais David représentait une forme de nouvelle jeunesse sentimentale, un coin bleu dans mon ciel gris pour utiliser une image rebattue.

J’avais besoin de m’aérer la tête et de sortir de mes murs.

 

     Passage Jouffroy (9ème) Notre premier rendez-vous (« pour nous voir enfin ») eut lieu à l’entrée du Passage Jouffroy, côté boulevard Montmartre.

Nous nous sommes reconnus tout en nous découvrant.

Il avait choisi ce lieu qu’il aimait parce qu’il avait passé une grande partie de son enfance non loin, à deux rues de là.

Tandis que je m’avouais le trouver très séduisant, je l’écoutais me raconter le quartier.

Moi la provinciale jusqu’à l’âge de vingt ans n’eus pas d’effort à faire pour m’émerveiller.

 

La fois suivante je fixais le rendez-vous devant la fontaine Saint-Michel, un des rares lieux emblématiques de Paris que je connaissais bien pour des raisons…médicales !

Et ainsi de suite ; à chacun notre tour nous proposions un nouvel endroit pour nous revoir.

C’était l’occasion de belles balades, d’arrêts dans des cafés et de discussions débridées.

Jusqu’au jour où il m’embrassa, où je l’embrassai.

 

     Passé le temps des aveux, la rencontre physique était inévitable.

Elle eut lieu en terrain neutre, dans un très bel hôtel du 7ème arrondissement.

J’ai trompé mon « mari » alors que je l’aimais.

David était passionné, tendre et prévenant ; véritablement amoureux, plus que moi sans doute.

Notre liaison, puisque tel est le terme, a duré exactement deux mois.

Et nous nous sommes quittés d’un commun accord.

Il a compris que je voulais retourner vers mon « mari » que j’aimais en dépit des apparences.

Chacun est parti de son côté ; je suppose qu’il a continué à aller sur le site de rencontres que j’ai effacé de ma mémoire.

 

            Finalement cette petite aventure restera comme un beau souvenir de vacance de sentiments et…d’emploi.

Quand je serai bien vieille, au soir, à la chandelle…j’y songerai sûrement avec plaisir et une pointe d’émotion tue.

Et mon mari, avec ou sans guillemets alors, me fera la lecture du journal pour ne pas fatiguer mes yeux.

Et je lui sourirai…

 

 

L'envolée 

(© 2017/droits réservés)

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