Il n’est pas toujours trop tard

Posté par BernartZé le 8 octobre 2017

By night (2)

Un jour presque ordinaire

  

            Elle s’était tranquillement levée ce matin-là, sans peine ni tourments pour une fois.

 

     Contrairement à son habitude elle avait pris le temps de petit-déjeuner Petit-déjeuner avant de se glisser sous la douche ; pas de pain mais de la confiture et un croissant sans beurre, c’est bon pour le moral.

Elle avait faim, faim de nouveauté et de changements.

A trente-six ans elle était lasse de bien des choses à commencer par son métier de secrétaire comptable qui ne l’épanouissait pas vraiment.

Même si elle avait toujours aimé les chiffres (dès l’école primaire elle s’amusait à faire de longues additions de tête), il était temps de passer à autre chose.

Pas d’idée précise mais une réelle envie : la photographie.

Du temps de l’argentique elle s’était offerte un splendide appareil reflex un peu comme celui-ci Appareil reflex argentique qu’elle s’était entraînée à maîtriser en photographiant toute la ville, surtout les petites rues les portes et les fenêtres ainsi que les bâtiments qui lui étaient chers.

Puis elle était partie un mois pour vivre sa folle aventure asiatique durant laquelle elle s’était adonnée au plaisir de saisir des instants qui attiraient particulièrement son œil.

Elle ramena vingt-cinq Pellicule 24x36 argentique (de trente-six poses) de son épopée !

Elle passa ensuite plusieurs semaines à les visionner, sur un rétroprojecteur qu’elle avait acheté dès son retour, et à les trier.

Vers la fin de ce travail c’était devenu astreignant elle fut heureuse de finir pour pouvoir enfin s’offrir une longue séance de projection de plusieurs centaines de clichés, les meilleurs selon elle bien sûr.

Certains amis les avaient vus et aimés…ou avaient fait semblant de s’y intéresser.

Elle eut la malheureuse idée de prêter son projecteur à l’un des couples et ne le revit jamais.

En se séparant l’un avait quitté la maison et l’autre avait déménagé peu après.

Où était passé son trésor ? Nul n’avait su lui dire.

 

     Le temps et la vie quotidienne lui firent totalement oublier son appareil photo rangé bien au chaud au fond d’une armoire.

En y repensant ce matin-là elle s’était vite dit que ce rêve était devenu impossible ; trop tard.

C’est un coup de téléphone soudain qui stoppa net ses réflexions.

Une lointaine cousine l’informa que sa mère était morte la veille d’une crise cardiaque ; elle n’avait pas soixante-dix ans.

Sa mère !

Sa mère qu’elle n’avait pas vue depuis très longtemps, depuis l’enterrement de son père très exactement ; quinze ans déjà.

Elles n’étaient pas fâchées, elles ne s’aimaient pas tout simplement.

Pas le moindre atome crochu, pas le moindre amour maternel.

Sa mère n’aimait pas les filles, elle aurait voulu deux garçons, elle n’eut qu’elle.

Son père qui la chérissait n’y pu jamais rien.

Il en fut juste mortifié.

 

     Cette nouvelle parvint en un éclair à lui gâcher cette belle matinée et toute sa journée.

L’enterrement était prévu trois jours plus tard, elle n’irait pas, hors de question !

Pas question de remettre les pieds dans cette maison Maison familiale de malheur(s) et de revoir des gens qui se sentiraient obligés de lui présenter leurs condoléances d’un air navré.

Seule héritière directe, la maison serait mise en vente aussitôt et en donnant procuration elle ne s’occuperait de rien.

 

     Les choses ne se passèrent pas aussi simplement et rapidement qu’elle l’avait voulu.

Il lui fallut encore un an avant de trouver acquéreur et trois mois de plus pour que tout soit signé et qu’elle soit enfin débarrassée de ce lourd fardeau familial.

Entre temps elle avait ressorti son appareil photo de sa cache et avait tranquillement vécu grâce à une somme conséquente d’argent également héritée.

Sans lui être le moins du monde reconnaissante, elle pouvait au moins remercier sa mère pour ça.

A présent que sa situation avait radicalement changé elle se sentait totalement libre de faire ce qui lui plaisait et l’idée de se remettre très sérieusement à la photographie germa naturellement dans son esprit.

Et si finalement il n’était pas trop tard ?

Personne n’était plus là pour lui recommander de rester raisonnable et de ne pas trop rêver.

 

     C’est ainsi qu’elle prit un aller simple (elle verrait plus tard pour l’éventuel retour) pour New York qui lui semblait l’endroit idéal, au moins pour commencer.

Un test grandeur nature d’une autre vie dans une autre ville, loin de ses habitudes.

 

            Se souvenant du fameux matin où elle s’était réveillée de bonne humeur près d’un an et demi plus tôt, elle sourit.

 

  

Rue de NY la nuit

(© 2017/droits réservés)

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