Suivre l’esprit…

Posté par BernartZé le 5 septembre 2017

Glissade

Inadvertance

  

            Mais à quoi pensait-il donc en rentrant chez lui ce jour-là ?

 

     C’était un mardi d’avril ; il était certain de ne jamais pouvoir oublier la date vu que c’était le 1er jour du mois.

Il pleuvait savamment, de façon droite et inventive, l’eau s’ingéniant à se glisser partout où elle trouvait le moindre espace.

Son lourd sac sur le dos, le parapluie au-dessus de leurs deux têtes, il avait hâte de retrouver son petit foyer, même s’il était dépourvu d’âtre.

Au moins il serait enfin à l’abri et à peu près au chaud.

Marre de ce trop long hiver qui refusait de laisser place au printemps !

Le perron de l’immeuble était en vue, le perron de faux marbre était là devant lui.

Son parapluie doublement automatique Mini parapluie automatique avait une spécificité : la fermeture ne faisait que rassembler les baleines et l’on se retrouvait gauche avec une sorte de long tube télescopique à rentrer difficilement à deux mains jusqu’à la base de la poignée.

Bref cela demandait de la force.

Pensant déjà à cet exercice périlleux, à peine sous le porche il descendit le bras et appuya sur le bouton.

Peut-être oublia-t-il de lever suffisamment le pied gauche de sa jambe d’appel pour atteindre le seuil.

Toujours est-il qu’il trébucha, glissant sur le sol mouillé, et s’écrasa violemment sur tout le flanc droit, la jambe et la hanche les premières puis le bras et l’épaule ; le sac bascula directement au-dessus de sa tête.

Commençant par se traiter d’idiot il se dit aussitôt « c’est rien, ça va aller ».

Et ça alla difficilement.

Il dut d’abord se défaire du sac qui l’encombrait puis « pédaler » à même le sol glissant pour tenter de se relever.

Péniblement progressivement il parvint à se redresser puis à se relever ; ouf sain et sauf !

C’était vite dit. Il prit le temps de s’ausculter en se tâtant la jambe la hanche le bras et l’épaule ; apparemment rien de casser.

Il fit un pas, oh ! quelle douleur !

Tant bien que mal il ouvrit la lourde porte d’entrée et poussa devant lui le sac et le parapluie dans le hall.

Il dut s’aider d’un mur pour refermer ce stupide parapluie.

Même exercice pour entrer dans l’ascenseur (la porte n’était pas moins lourde) puis chez lui.

 

     Enfin assis il mit un long moment pour reprendre ses esprits et mesurer l’intensité de ses douleurs.

Palpation de l’épaule « aïe ! » puis de la hanche « ouuuuille ! ».

Un peu inquiet il vida le sac avant de le ranger dans un coin et de se rasseoir épuisé.

Que faire à part attendre pour voir si les douleurs allaient s’atténuer avec le temps ?

Il n’était pas du genre à appeler à l’aide le Samu ou SOS Médecins au moindre bobo.

Il ne tarda pas à aller se coucher tant il se sentait écrasé de fatigue.

Difficile de trouver au lit une position dans laquelle il n’avait pas mal ; il parvint tout de même à s’endormir.

Se réveillant souvent, à chaque fois il interrogeait son corps et réfléchissait à la marche à suivre avant de tenter de dormir à nouveau pour se donner du temps.

Cela dura jusqu’à la fin de l’après-midi.

L’idée de devoir appeler à l’aide avait commencé à faire son chemin d’autant qu’il mit une dizaine de minutes pour s’extirper de son lit.

Assis il réfléchit encore, hésita avant de se convaincre et d’accepter le fait qu’il n’avait plus d’autre choix.

Il composa donc le Le 15.

L’attente téléphonique ne dura qu’une douzaine de minutes et le Samu arriva chez lui une demi-heure plus tard.

Il était prêt, habillé de sa parka et chaussé, en tenue de pyjama en-dessous n’ayant pu remettre des habits plus décents à cause de l’intensité des douleurs.

 

     La sortie de chez lui, l’ascenseur assis dans la chaise roulante et pliable, le transfert sur une civière et l’entrée dans l’estafette avaient été tout un poème.

Quand ils arrivèrent aux Urgences on lui dit qu’il n’aurait pas trop longtemps à attendre, le service n’étant pas surchargé.

Il attendit un peu plus de deux heures (ce qui n’était pas considérable) avant d’avoir la visite d’un médecin qui le tortura en tous sens pour constater l’ampleur de ses maux.

Direction le service de radiologie où deux sympathiques tortionnaires firent encore pire pour le mettre dans de bonnes positions afin de lui tirer de beaux portraits de son fémur de sa hanche et de son épaule.

Bilan des courses : deux têtes fracturées, celle de l’humérus et celle du fémur ; il ne s’était franchement pas raté sur ce coup-là !

« De quoi marcher sur la tête ! » se dit-il pour essayer de prendre de la distance avec cet imprévu qui, comme tous les imprévus, tombait particulièrement mal.

 

     Direction l’hôpital pour une immobilisation Hospitalisation prévue de deux mois.

Après deux petites interventions chirurgicales il put regagner sa chambre qu’il partageait avec un homme qui dormait constamment et dont il ne vit jamais le visage, pas même lors des soins ou des repas.

Les deux infirmières qu’il voyait le plus régulièrement le chouchoutèrent dès son arrivée.

Il prit rapidement de nouvelles habitudes en fonction des horaires, lui qui mangeait tard et se couchait généralement au petit matin.

Là il dînait à 18 heures sans réel appétit mais avec intérêt pour cette nourriture d’hôpital aussi décriée que celle des cantines scolaires.

Lui qui ne cuisinait jamais s’en trouva fort bien et apprécia la multitude de légumes, chou-fleur haricots verts et épinards en tête, les poissons cuits à la vapeur et les laitages qu’il devait bien sûr consommer en grande quantité.

Il retombait en enfance !

Au début les antalgiques l’avait laissé dans un brouillard permanent qu’il tentait de dissiper en secouant la tête à s’en démancher le cou ; il fallait atténuer ses douleurs et lui permettre de dormir.

Ce qu’il put faire, parfois même avec volupté ; il avait tant besoin de repos depuis de si nombreuses années.

 

     Sa convalescence se déroulant parfaitement on lui permit au bout de cinq semaines de marcher un peu dans la chambre avec une béquille au bras gauche afin de faire de l’exercice, ce à quoi il prit goût.

Et deux semaines plus tard il eut son bon de sortie avec deux béquilles, son épaule s’étant rétablie la première et n’étant presque plus douloureuse.

 

     Quand il retrouva son quartier et son home sweet home il eut une drôle d’impression.

Il avait changé, ou bien était-ce son regard ; tout paraissait plus petit que dans la chambre d’hôpital.

Il grimaça un peu faute d’accueil chaleureux ; bizarrement le personnel hospitalier lui manquait.

Un peu triste et dépressif il se fit livrer des courses les premières semaines le temps de se rétablir suffisamment pour sortir, marcher sans béquilles et…porter des sacs.

Il récupéra son sac à dos en lui trouvant un vrai visage de traite.

La vie reprit doucement ; il put définitivement ranger ses béquilles dans un coin et les vieilles habitudes retrouvèrent leurs droits.

 

            Environ trois mois après sa sortie d’hôpital, en plein cœur de l’été, il repensa à tout ce long épisode et s’interrogea.

Finalement…pourquoi avait-il chuté ?

Etait-ce de l’étourderie ? La faute du parapluie du sac ou du sol glissant ?

Etait-ce un « acte manqué » ?

Avait-il inconsciemment le désir d’en finir avec tout ou partie de sa vie ?

Il était vrai que son existence ne l’intéressait plus réellement depuis de nombreuses années et qu’il supportait de plus en plus mal de répéter quotidiennement les mêmes gestes à la même heure pour finalement ne rien faire de passionnant au cours de ses longues journées et nuits de veille.

L’insatisfaction l’avait gagné et la rancœur envers lui-même était grande.

Il s’en voulait beaucoup d’avoir peut-être laissé passer la chance de sa vie dix ans plus tôt quand il était photographe et que lui avait été proposé un poste permanent de reporter en Turquie.

Il avait soudain eu peur, ne parlant ni le turc ni l’allemand et très mal l’anglais.

Peut-être aussi la peur de se sentir perdu et trop isolé ?

Du coup après avoir décliné cette offre, il s’était dépêché de ranger au placard tout son matériel photographique.

Il avait repris sa plume, publié quelques petits livres didactiques sur l’art d’accommoder les restes d’une vie manquée et son premier vrai roman était toujours dans les limbes.

En fait il avait dû un jour s’avouer qu’il avait brillamment réussi à rater sa vie.

Alors pourquoi pas un ultime plongeon en forme de plat « dans » un minimum d’eau pour passer à l’acte sans le faire réellement ?

Un moyen comme un autre de se dire que tout s’était déroulé par mégarde et qu’il n’était nullement responsable.

 

     Et si l’explication était encore plus simple ?

Le destin avait pu vouloir lui faire un poisson d’avril pour se moquer de lui.

Très drôle !…

 

 

Poisson d'avril 

(© 2017/droits réservés)

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Des parallèles

Posté par BernartZé le 8 juillet 2017

Squelette marchant  Fauteuil roulant (2)

Seuls

 

            Elle marchait sans relâche se parlant à elle-même, tournant en rond dans le salon.

            Lui ne pouvait rouler très loin tant ses bras fatiguaient.

 

     Elle aimait bien l’idée de rester éveillée lorsqu’elle pensait que tout le monde dormait.

Lui était du genre insomniaque à tendance parano.

 

Elle griffonnait beaucoup la nuit, couchant des phrases sur le papier, se relevant sans cesse.

Il ne cessait de réfléchir en se tenant le ventre d’où remontaient ses plus sombres pensées.

 

C’est en essayant d’écrire, comme ça pour elle seule, qu’elle s’était soudain mise à revisiter son enfance.

Il ne comptait plus les heures passées à ressasser.

 

Elle allumait aux quatre coins de la pièce des bougies, fixant ses points cardinaux.

Il préférait demeurer dans la pénombre, surtout le jour, volets roulants toujours baissés.

 

Elle ne sortait plus très souvent, une fois tous les trois ou quatre jours le temps de faire quelques courses.

Dans la rue il roulait sur le trottoir en double file avec les poussettes et les tricycles.

 

Elle avait constamment chaud ce qui expliquait ses pieds nus sur le plancher, hiver comme été.

Il grelotait toujours assis dans son fauteuil, le corps à moitié mort.

 

            Elle ne lui a pas prêté attention l’autre jour en le croisant vers midi et quart ; il a remarqué son air triste et ses yeux sombres.

 

     Une même nuit pourtant ils ont vu une dernière lumière…

  

 

Une nuit... 

(© 2017/droits réservés)

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Embouteillage

Posté par BernartZé le 22 février 2017

Roy de Flandres

Ça bouchonne dans mon lit

  

            Roulements de tambour !

 

     L’heure est grave, l’instant à la fois magique, solennel et généralement festif.

 

Le prétexte importe peu.

Que vous ayez décidé de baptiser la nouvelle niche du chien en grandes pompes et en présence de tous vos voisins réunis sans doute un peu perplexes mais si contents d’avoir un événement à fêter même si le sens leur échappe légèrement, ou qu’habillé de noir seul face à vous-même -à la lueur d’un candélabre- vous choisissiez de porter un toast à tous vos démons en enterrant votre passé, le résultat pourra sans problème être le même.

Tout est une question d’adresse et de doigté, avec une pointe de chance peut-être, mais sûrement beaucoup de travail de répétitions et de professionnalisme.

 

            Il faut être avant tout ferme et décidé. Il ne s’agit pas de manquer son coup. Même sans aucun témoin l’effet serait déplorable.

En public vous pourriez passer pour quelqu’un de stupidement maladroit ou carrément inexpérimenté, tout seul vous trouveriez certainement une occasion de plus de broyer du noir en persistant à penser que vous n’avez définitivement pas le moindre talent, bref de vous déconsidérer.

Ça n’est jamais très bon pour la santé mentale, et physiquement vous seriez capable de somatiser pour le restant de vos jours. A déconseiller donc.

 

     Pour mettre de votre côté un maximum de « chances de succès » (mais oui, l’échec aussi peut-être désiré et se révéler un bienfait formateur…), armez-vous d’une paire de mains agiles ayant si possible subi un entraînement intensif récent.

Les occasions en société ne manquent pas.

Anniversaire, mariage « ordinaire » Pacs ou mariage homosexuel (essayons pour une fois de nous montrer contemporains !), communion, baptême de paquebot, enterrement, bar mitzvah, première dent du petit dernier, glorieuse promotion au rang de sous-chef adjoint de district, inauguration du supermarché du coin réouvert après travaux et autres opportunités de s’exercer, suivant le plus souvent les cercles et les clubs que vous avez l’habitude de fréquenter.

 

     L’essentiel étant d’avoir toute confiance en ses aptitudes manuelles, il ne faut cependant pas négliger l’importance des pieds. Savoir camper sur une position stable n’est pas du tout négligeable.

A vous de déterminer celle qui vous convient parfaitement, il n’y a pas de règle.

Profitez-en pour une fois et laissez-vous aller à trouver votre propre attitude, celle qui vous autorise à vous sentir le plus sûr de vous, peu importe s’il s’agit alors de vous retrouver accroupi, les mains entre les jambes ; si telle est votre position la plus confortable, c’est parfait ! Rien à redire !

 

     Si vous êtes ambidextre (revenons-en aux mains), doté de doigts plutôt musculeux mais affinés, c’est assurément un avantage.

Dans le cas contraire (quel manque de chance !), munissez-vous d’un simple torchon qui pourra compenser votre faiblesse naturelle.

 

     Sachez choisir l’endroit propice pour passer à l’acte. Une erreur topographique serait certes pardonnable, mais réellement préjudiciable. Le spectacle serait un peu manqué. Faites pour le mieux.

Si vous craignez naturellement d’attenter à la vie d’autrui, tentez de faire un peu le vide autour de vous, c’est pour le bien du plus grand nombre.

Ménagez votre effet, pas trop, vous n’êtes tout de même pas au cirque.

 

     Et puis décidez-vous enfin, lancez-vous, toute la soirée ne peut être consacrée à votre « happening ».

 

Le geste sûr et sobre (!) enserrez des deux mains l’objet tant convoité, la fontaine mirifique ne dépend plus que de vous pour jaillir et satisfaire tous les convives assoiffés, impatientés par tant de préparatifs qui ne leur ont jamais paru aussi interminables.

Prenez garde à ne pas leur laisser l’opportunité de se jeter sur d’autres sources d’ivresse, de plaisir et d’abandon.

Comme vos amis sont ce qu’ils sont, que vous les aimez et les estimez, vous n’ignorez pas qu’ils sauraient dans l’attente tout naturellement et sans la moindre hypocrisie se laisser aller sans modération, parce que leurs consciences individuelles se moquent du « politiquement correct » qui ne leur dit rien qui vaille, simplement parce qu’ils se refusent à jouer ce jeu social stupide qui prétend les responsabiliser en les culpabilisant, supposant avant tout que personne n’est capable dans ses moments d’égarement de se souvenir qu’il n’est pas seul au monde, et donc entièrement responsable de ses excès de boisson.

Que quiconque a le permis de se mal conduire se retienne de leur jeter la dernière pierre de son champ de certitudes !

 

     Bon c’est le moment de s’activer et de déboucher enfin cette bouteille de champagne ou de vulgaire mousseux, certes commun mais d’un prix plus abordable.

La pression interne étant nettement plus faible dans ces vins presque imbuvables le risque d’accident est réduit, ce qui constituerait votre unique consolation.

 

Prestement équipé de vos deux seules mains et accessoirement d’un torchon (propre), ouvrez votre bouteille avec un minimum d’élégance en évitant de laisser échapper le bouchon qui pourrait alors non seulement éborgner accidentellement un de vos invités, mais aussi trouer la couche d’ozone et, pire encore, disparaître totalement de votre champ de vision et vous inquiéter tout le reste de la soirée vous obligeant à vous demander où ce satané bout de liège a bien pu passer.

 

            C’est souvent le meilleur moyen de gâcher son propre plaisir et de se donner dès le lendemain l’occasion de partir, non pas à la recherche du temps ou des œufs de Pâques, mais du bouchon de champagne perdu.

 

     Ah ! Si vous aviez servi uniquement du scotch, whisky, tequila, Cointreau, cognac, gin, mezcal, ou jus de fruits, vous n’en seriez certainement pas là !

Mais comme ce n’est pas le cas (beaucoup trop tard pour vous en vouloir), il ne vous reste plus qu’à chausser vos lunettes ou vous munir d’une loupe et de découvrir où s’est réfugié, apeuré, l’objet de toutes vos préoccupations d’après bataille. 

 

            La dernière fois que j’ai connu cette défaite, j’étais tout seul comme un grand à essayer de retrouver celui qui avait tenté de me fausser compagnie. Il m’a donné énormément de mal. J’ai même cru ne jamais pouvoir remettre l’une de mes mains dessus.

En désespoir de cause, je me suis décidé à renoncer momentanément à cette quête et à aller dormir. C’est là que j’ai compris et trouvé la solution.

 

     Ben quoi ! ? Pour quelle raison pensiez-vous que j’avais choisi un tel titre ?…

 

Bouchon 

(© 2005-2017/droits réservés)

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De simples faits

Posté par BernartZé le 10 mai 2016

Jetée

Sur la digue jetée à même l’amer

  

            Une femme seule assise sur un banc ; personne ne la voyait plus.

 

     Tous les matins et tous les soirs elle revenait là se poser intranquille.

Pour admirer les couleurs du ciel et de la mer, pour réfléchir et se souvenir.

Non pas du temps passé mais de la vie qu’elle n’avait pas vécue.

Tout en refusant de céder à la tristesse et au découragement elle ne pouvait s’empêcher parfois de s’emplir de mélancolie ; et des vagues sans cesse revenaient heurter son âme.

Sa Joie de Vivre s’en était allée par mégarde ou par inadvertance (subtile nuance qu’elle ne cessait de ressasser interrogeant les flots) quand elle avait à peine vingt ans.

Dans sa belle insouciance elle attendait tout de la vie ; sa naïveté la mena à sa première désillusion : son ange avant de déchoir, avait pris le temps de lui faire des promesses mensongères, cadeau d’une fausse bague de fiançailles Bague argent et d’une perte de sens avant de disparaître.

Rien de très original ; ensuite juste des lettres restées sans réponse et des silences sans appel.

Elle apprit le désenchantement et le déni pour fuir les regrets.

Puis vint le sang sur les poignets ; par mégarde ou bien ?

 

     Et tout devint chaos.

Ou plus exactement, pour en rire, un enchevêtrement de multiples problèmes existentiels et autres, façon plâtrée de Spaghetti.

Goûteux (oh combien !) copieux et indigeste.

Non seulement incapable de se remettre de ce choc frontal avec ses propres sentiments ambigus, elle avait dû faire face à un arrêt brutal de sa vie, pied au plancher, frein et talon écrasés Pédale de frein (photo jaunie par le temps).

C’est alors que, sans aucune logique, elle prit l’habitude de venir voir la mer tous les jours ; elle n’avait pas trente ans.

Elle ne marchait plus qu’en ballerines en pointant son regard vers l’horizon le plus lointain.

Elle s’asseyait toujours sur le dernier banc de la jetée ; drôle de banc, cloué à même le bois, mais tout de même un peu branlant ; drôle de jetée aussi qui semblait flotter sans pilotis en équilibre précaire.

Exactement comme elle se sentait être par tous les temps.

 

     Sa promenade biquotidienne était devenue si incontournable qu’elle la faisait même les jours où elle aurait préféré ne pas quitter son lit.

Ses dépressions climatiques, au lieu de la plonger dans des abîmes la tirant vers le fond, la faisait s’esclaffer sans raison apparente.

Certains la croyait devenue folle ; elle savait sa raison saine comme elle s’avouait ne plus rien attendre, sauf une vague peut-être.

 

            A-t-elle glissé dans l’eau par mégarde ou par inadvertance ?

Non, elle a juste disparu des radars…

 

Ballerines

(© 2016/droits réservés)

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Qui n’est plus

Posté par BernartZé le 29 septembre 2015

Chat angora beige

Son chat…

  

            Cet angora beige était né de bonne humeur un jour de printemps.

 

     Une tendre frimousse et des yeux grands ouverts sur le monde qui l’entourait, un caractère affable des manières policées et un poil soyeux invitant à la caresse, tout le rendait aimable et tout le monde l’aimait ; ne parlons même pas de ses oreilles rosées taillées en pointes !

Il aimait la musique : Scriabine, notamment sa cinquième sonate -ses temps suspendus comme ses coups d’accélérateur-, tout Schubert, la 5ème de Mahler (l’adagietto…comme presque tout le monde ; quel délicieux malheur se disait-il non sans malice !) et l’adagio de la 10ème (pour faire original en choisissant une œuvre inachevée…) sur laquelle il prenait tout le temps d’étirer poils et muscles ; un peu de pop anglaise (Everything but the Girl) également.

Il vécut ainsi heureux jusqu’à cette nuit fatale du 3 septembre, un vendredi sombre.

 

     D’humeur festive mademoiselle et ses copines avaient décidé d’organiser Pyjama party du siècle qui n’était plus de leur âge mais qui les excitait comme des folles depuis plus de trois semaines ; l’occasion de célébrer les trente ans de la doyenne de la bande ; un prétexte comme un autre.

Toutes gaites elles firent la fête, chantèrent et dansèrent en se balançant des coussins en pleine poire et en se jetant à la figure leurs poupées de petites filles histoire d’enterrer à tout jamais leur prime jeunesse.

Une forme de deuil peut-être, de renoncement ou de nouvel espoir.

Elles mangèrent peu (les diktats de la mode !) et burent beaucoup : des mélanges hasardeux à base de vodka, et du champagne bien sûr dans des coupes judicieusement choisies Coupe à champagne Verone noir (2) ; quelques feuilles de laitue Feuilles de laitue (un vrai cliché !) pour faire glisser l’ensemble.

Et puis hop ! Et puis tiens le chat comme il est rigolo à force de se tapir dans le coin du canapé ; convions-le à la fête.

Il avait mieux à faire mais il n’eut pas le choix.

Surpris en pleine sieste (en mode veille) il n’eut pas le temps de comprendre ce qu’elles lui voulaient ; seulement celui d’écarquiller les yeux pour la dernière fois.

 

     Quand vint l’heure des tequilas frappées à même la moquette, les citrons verts Citron vert livrèrent leurs écorces et ce qui ne devait pas arriver arriva Chat coiffé.

Elles rirent aux éclats, fières de leur happening ; il trouva ça moins drôle que prévu.

En un éclair il changea de couleur, son poil vira au grège sa mine se renfrogna et ses yeux s’assombrirent ; il prit un air de condamné à mort qu’elles ne décelèrent pas dans leurs élans d’allégresse.

Un lendemain plus tard elles n’avaient pas changé, il était plus que jamais incrusté dans son coin de canapé.

 

     Les jours suivants, alors que ses copines étaient rentrées dégriser chez elles, mademoiselle s’étonna de voir son chat en berne.

D’humeur apparemment maussade il refusait presque de quitter son abri, allant jusqu’à se délester de ses poils par touffes entières.

C’était certes l’automne, mais tout de même.

Elle ne s’inquiéta pas réellement ; elle eut tort.

Son manque de vigilance et d’empathie s’avéra finalement déterminant.

Arborant une face de plus en plus défaite il refusa progressivement de manger, préférant tourner le dos à sa gamelle Ecuelle pour chat devenue vulgaire.

Coup de mou ou de grisou ?

Son absence d’attention et de compréhension l’empêcha de reconnaître l’état de dépression dans lequel il était tombé.

Et de fil en aiguille, de Charybde en Scylla il chuta tout au fond.

Six jours plus tard il était méconnaissable ; sa vie l’abandonna.

 

            Elle fut triste tandis que lui était enfin soulagé de sa peine.

 

     Les chats sont susceptibles, c’est ainsi ; encore faut-il le savoir.

  

 

Alexander Scriabin  Missing - Everything But The Girl (1994) 

(© 2015/droits réservés)

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L’inadvertance…(?)

Posté par BernartZé le 2 septembre 2015

Quiproquo

La méprise

  

            - Vous m’avez mal jugé Madame ; vous me croyiez à votre Botte quand simplement je vous aimais.

 

     Au jeu du chat et de la souris vous étiez passée maîtresse…sans jamais le devenir.

N’étant bien sûr pas là où je vous cherchais, vous preniez un malin plaisir à la duplicité en me faisant croire et espérer en vain ; tout un art !

 

     Vous m’aviez charmé ; je l’avoue avec humilité et sans regrets.

Votre premier regard m’avait atteint ; j’avais été touché par votre visage légèrement incliné et vos yeux faussement timides.

Vous sembliez alors en mal d’attention et je vous en ai porté, comme pour vous secourir.

Je vous ai longuement écoutée vous confier chez vous chez moi dans des cafés au téléphone ; des heures durant.

Vous pleuriez souvent, je ne cessais de m’inquiéter.

 

     De l’alarme au rasoir il n’y avait qu’un pas que vous avez franchi un soir, prenant bien soin de me le faire savoir.

Je vous ai retrouvée dans une chambre d’hôpital où vous m’êtes tombée dans les bras tant votre désespoir était lourd.

L’image des barreaux à la fenêtre m’est restée pour toujours.

Cinq semaines en prison et de longues journées pour vous remettre d’une mélancolie galopante ; je vous ai visitée souvent avant de ressentir votre volonté de prendre de la distance.

 

     A l’air de l’évasion, libérée au printemps, vous vous êtes royalement retrouvée.

Vous avez repris des couleurs Lipstick en coin et le sourire en coin.

A nouveau moqueuse et pleine de vie vous vous êtes faite de nouvelles griffes, encore plus acérées.

C’est alors que votre dédain m’a marqué, comme si vous désiriez me faire payer d’avoir été le témoin de votre moment d’égarement dont nous n’avons jamais parlé.

Je vous aimais amie, mais quand est venue la saison du mépris j’ai refusé de vous absoudre davantage.

Vous n’avez pas compris.

Mon immense aveuglement a heureusement pris fin.

 

            Votre pouvoir émotionnel était grand mais votre besoin de m’humilier a sonné tel un glas…

 

  

Un melon et des bottes  (Ainsi aurions-nous peut-être pu continuer)

(© 2015/droits réservés)

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A un clic près

Posté par BernartZé le 13 juillet 2015

Corbeille

Vive les ordures !

           

            J’ai failli jeter d’un seul coup toute la corbeille…à la Poubelle !!

 

     Trop de déchets de détritus de souvenirs, d’images dérangeantes et d’émotions mal vécues.

Trop de ou pas assez, c’est selon les jours et les heures…

 

     Ray Charles (Musical) Unchain My Heart (1961) Unchain my heart !

…Set me free.

Inconsciemment peut-être ai-je voulu d’un doigt vengeur me débarrasser de ce qui me pesait.

Hallo, Sigmund, sind Sie hier ?

Et si vous avez un peu de temps à perdre expliquez-moi pourquoi je croule toujours sous le poids de mes rengaines et de ma mémoire.

Mon sac Sac poubelle plein était plein à craquer et je n’ai pu le jeter.

Il m’encombre il m’agace et m’énerve jusqu’à m’empêcher de respirer ; bref il m’insupporte (au plus haut point).

Vite quelques inhalations Inhaler Vicks - Copie comme au bon vieux temps !

 

            Retomber en insouciance serait-il salvateur ou pure folie ?

    

     Un bon geste Un geste pour la planète pour la (ma) planète…

   

 

Unchain my heart - Joe Cocker (1987)  Eugène Poubelle  Bien à vous !

(© 2015/droits réservés)

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A la renverse

Posté par BernartZé le 2 mai 2015

 Tango

Et soudain

            

            L’éclat de rire fut immense !

 

     Personne ne comprit ni comment ni pourquoi ils s’étaient emmêlés les pinceaux Pieds croisés ; mais lorsque cela se produisit, ils semblaient encore tous deux en état de grâce Tango argentin.

 

     Inutile de chercher le coupable ; quand tout vous abandonne le sol se dérobe.

Le public resta d’abord médusé tant ils étaient favoris.

Le jury et les connaisseurs n’avaient pas décelé le moindre faux pas, et pourtant.

Excès d’orgueil, abus d’éclats Tango renversé ?

La chute ne se fit pas attendre.

 

            Un autre couple gagna ce soir-là.

  

Tango ardent 

(© 2015/droits réservés)

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« Malagauche ! »

Posté par BernartZé le 29 avril 2015

Argile  Savonnette

Mon cœur balance

            

            …Alors que ma brûlure n’attend pas !

 

     C’est ce que l’on appelle communément un « accident domestique » ; un truc qui se produit généralement bêtement quand on a d’autres chats à fouetter.

Vite se souvenir des bonnes vieilles recettes de grand-mère !

Les deux sont mortes depuis belle lurette et je n’ai pas d’argile sous la main.

Le temps d’achever ce qui était en cours (grave erreur !!) et il était trop tard pour se badigeonner le poignet de crème de savon à laisser sécher à même la peau.

Pas de cloque à déplorer ; une petite douleur (une de plus) à supporter dans les jours à venir.

 

            Cela réussissait à merveille du temps où j’étais jeune…

   

Brûlure au poignet  Et voilà !

(© 2015/droits réservés)

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Simple ouï-dire (…pouvant nuire)

Posté par BernartZé le 29 avril 2015

Jolie méduse

Jolie méduse !

 

            Toute belle toute gaite toute pimpante en balade, apparemment bien loin de vouloir du mal à qui que ce soit.

Surtout pas une fois morte ; et pourtant…

 

     Les vacanciers habitués à se ressourcer au soleil de la côte méditerranéenne redoutent de plus en plus d’aller se baigner loin du bord ; de ce fait ils préfèrent prendre le risque d’un carcinome que celui d’une piqûre de méduse à la réputation de plus en plus déplorable voire funeste.

Sans se lancer dans des calculs de probabilités elles ne sont forcément pas toutes méchantes ces bébêtes là ; ni plus ni moins que les humains sans doute.

 

     Diaphane évanescente pensive  Diaphanes évanescentes pensives, les plus aventureux -des plongeurs principalement- en croisent régulièrement au large sans jamais avoir eu à déplorer leurs soudaines rencontres toujours un peu magiques.

D’autres ont rapporté de leurs séjours de plus mauvais souvenirs et des piqûres à soigner sans tarder.

En promenade ces méduses Méduses ou...champignons hallucinogènes Ɂ (ou…champignons hallucinogènes ?) ne semblent-elles pas charmantes ?

Si la méfiance proverbiale ne manque jamais de nous recommander de rester vigilants face à « l’eau qui dort »…que dire des méduses pêchées pour la consommation ?

 

     C’est un mets très prisé (et assez onéreux) dans les lointaines contrées de l’Asie ; il n’y a pas que les sushis dans la vie !

Le plus simple est de se laisser tenter en guise d’entrée par une salade de méduse émincée Salade de méduse émincée sobrement assaisonnée de sauce soja.

 

     Et donc un quidam, faisant quelques courses dans un supermarché asiatique, fut un jour intrigué par sa découverte : des filaments de méduse sous vide prêts à servir.

Pourquoi pas se dit-il ?

Un coup d’œil aux ingrédients (méduse, eau, huile de sésame) et hop sa curiosité l’emporta.

Quelques jours plus tard, après une dégustation surprenante plutôt croquante et finalement engageante, il dut lutter durant plus de trente-six heures contre une intoxication alimentaire (passons les détails, tous plus glauques les uns que les autres).

Avait-il stupidement omis de jeter un coup d’œil à la date limite de consommation ?

Possible, tout heureux de sa découverte, il s’était surtout concentré sur le contenu du sachet.

A moins qu’il ne se soit agi d’une basse vengeance fomentée par la pire des pestes en haute mer Chironex fleckeri, la « chironex fleckeri »…sans cependant la dénoncer ; aucune preuve d’un complot, pas vue pas prise.

 

            Nul ne connaîtra jamais la vérité ; mais -bien que morte (depuis ?)- peut-être a-t-elle tenté de refaire sa vie dans un autre organisme…

 

 

Toute simple au clair de nuit  

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