La patine du temps
Posté par BernartZé le 29 juin 2017
De la douceur en toutes choses
Plus de douleurs…
Voilà la jolie carte de mon petit-fils reçue hier .
Sur le moment j’ai cru être conviée à mes propres funérailles !
Joachim est très gentil, un peu vieux jeu peut-être malgré ses vingt-cinq ans et très attentionné.
Pour rien au monde il ne manquerait de souhaiter une fête ou un anniversaire ; je le soupçonne d’avoir ingéré un calendrier lorsqu’il était petit.
Je m’attendais donc à trouver un message de sa part dans ma boîte aux lettres.
Lui a au moins le mérite d’avoir pensé à moi.
Mon âge ne signifie plus rien depuis longtemps.
Les années passent et les enluminures transmises par la Poste ont simplement ajouté un peu de gris à mes cheveux.
A quoi bon me soucier d’une date anniversaire quand il n’est plus possible de le partager ?
Depuis onze ans que Guilain s’en est allé j’ai appris à m’endurcir pour survivre.
Il m’a laissée inconsolable et sans plus d’espoirs.
Je me sentais désormais incapable de me lever chaque matin seule ; ne plus voir son sourire, ne plus sentir la douceur de sa main caressant mon visage était une douleur à laquelle je ne m’étais pas préparée.
Il ne m’en avait pas laissé le temps et son départ précipité a bouleversé les repères que je croyais acquis.
J’ai perdu l’équilibre, au sens propre comme au figuré, me réveillant un beau matin sur le carrelage de la salle-de-bain.
Pas de mal ni même le temps d’avoir peur ; j’ai remercié mes parents de m’avoir nourrie de plateaux de fromages .
J’ai refusé la dépression à laquelle j’ai préféré l’ergothérapie pour me reconstruire pièce par pièce .
J’ai malaxé la terre cuit des figurines rempoté plantes et fleurs ; j’ai même réussi à tresser une corbeille en rotin, un exercice épineux exigeant beaucoup de patience.
J’ai aussi fait un puzzle tout noir en 499 jours (j’avais perdu une pièce) .
Et puis j’ai fait don de tous ces chefs-d’œuvre à des associations humanitaires pleines de reconnaissance.
Depuis j’ai trouvé ma voie.
Celle qui consiste à refuser d’envisager le pire en préférant le sourire à l’apitoiement.
Sourire à chaque nouvelle journée en dépit des douleurs, sourire en repensant sereinement au passé bien vécu qui ne reviendra pas.
Sourire aux musiques d’autrefois, d’un autre temps, d’une jeunesse révolue.
Sourire pour panser les blessures qui demeurent mais ne tuent plus.
Quatre-vingt-quatre ans et alors ?
Demain j’en aurai cent-douze !
(© 2017/droits réservés)
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