Et toute ma reconnaissance…
Posté par BernartZé le 13 novembre 2015
J’ai tout oublié des règles du ; pas celle qui me l’a appris.
C’était il y a fort longtemps dans une prime jeunesse.
Elle était l’amie pas petite d’un nouvel ami redoublant en classe de terminale ; elle redoublait aussi de son côté dans une autre filière.
J’ai toujours eu une préférence inexpliquée pour les élèves plus âgés.
Je les voyais souvent de loin discuter dans la cour du lycée.
Elle était grande, plus que lui, et je l’avais initialement remarquée seule parce qu’elle était…remarquable au sens littéral du mot.
Elle semblait différente, unique en son genre ; avec ses grandes jambes elle faisait de grands pas et marchait vite.
Elle n’était pas élégante, avait l’air de s’en moquer complètement, et se tenait souvent debout les pieds légèrement en dedans avec une dégaine impayable en tirant constamment sur ses manches, hiver comme été.
Naturellement je lui ai rapidement trouvé un air spécial et une allure particulière ; très intrigante.
Ce qui devait arriver se produisit un jour et nous fûmes officiellement présentés l’un à l’autre par cet ami commun ; nous n’eurent rapidement plus besoin de lui pour nous revoir.
Comme il était vite tombé amoureux d’une fille de notre classe (portant le même prénom !) il n’eut pas l’idée d’en prendre ombrage ; tant mieux pour nous tous et surtout pour moi qui avait gagné une amie qui se révéla au fil du temps d’une grande importance ; je l’ignorais alors, n’ayant jusque là connu que de bon(ne)s camarades.
Nous nous retrouvions tous les jours, suivant nos emplois du temps, dans la cour une salle de classe ou à la cantine.
Nous parlions beaucoup et riions autant ensemble ; sans doute étions-nous faits pour nous rencontrer.
Nous prîmes nos habitudes : profitant d’heures de liberté entre des heures de cours, nous descendions en promenade hors du lycée pour partir à l’aventure ; quelle aventure !
Notre expédition nous menait les lundis et mardis (décalage horaire oblige avec l’outre Atlantique) jusqu’à un commerce -ils étaient rares aux alentours du lycée- qui tenait lieu de point presse en plus de son activité principale.
La balade était prétexte à de grandes discussions et son but officiel était d’aller pour moi acheter un journal sportif me donnant régulièrement des nouvelles des résultats tennistiques à travers le monde (internet n’existait pas alors !) ; nullement porté sur le sport en général -faute de physique adéquat et surtout de tempérament- je n’en pratiquais qu’un seul dont j’était très vite devenu addictif.
Et je suivais maladivement à distance les performances de mes deux préférés : et ; malade je l’étais tant que j’ai cru devenu cardiaque dans mes vertes années en suivant leurs matchs les plus importants ; et de devoir me retenir de gifler ma télé quand le sort nous était contraire.
C’est avec C. que j’ai découvert le vif plaisir d’écouter l’autre, de comprendre sans juger, et d’essayer d’apporter soutien et chaleur humaine dans l’espoir de soulager une peine.
Mon oreille était devenue la partie de mon corps la plus active et « précieuse » ; le centre névralgique de mon être.
Je n’existais plus que par l’écoute de l’autre ; elle fut la première, d’autres ami(e)s suivirent durant des décennies.
Peut-être ai-je ainsi battu des records téléphoniques en parlant seulement des douleurs et des problèmes d’autrui durant des heures (jusqu’à plus de huit d’affilée) ; j’ai le souvenir de m’être extrait de mon canapé un jour pour remonter les volets roulants et constater qu’il faisait jour et soleil en ce milieu d’après-midi.
Des heures passées à écouter et à partager ; le mot « empathie » est entré dans mon vocabulaire en devenant l’un des plus familiers.
Nos années d’étudiants nous éloignèrent d’abord, elle en IUT moi traînant dans les amphis de la fac, dans la même autre ville ; et je l’ai retrouvée un jour assise sur le pas de la porte du studio loué à grands frais par mes parents.
Elle allait mal ; nous reprîmes vite l’habitude de nous voir très souvent et je pris celle d’aller tous les soirs la retrouver dans sa chambre de cité U où je fis la connaissance d’autres étudiants qu’elle avait attirés par son charme et son rayonnement ; son aura était devenue évidente pour tous.
Son cœur ne cessait alors de faire des bonds en tous sens, perdant un peu la tête.
Un petit groupe s’était constitué autour d’elle et nous passâmes tous ensemble des nuits à parler et parler encore ; j’essayais alors sans relâche de me montrer drôle et spirituel afin de ne pas communiquer mes ondes négatives, ce que je ne compris que des années plus tard.
L’année suivante, ayant dû émigrer dans une autre ville, je pris l’habitude pour me sauver de mon propre péril de profiter toutes les semaines de ma carte d’abonnement sponsorisée par mes parents, je retournais en arrière sans revenir au bercail afin de la retrouver, elle et tous les autres devenus indispensables à ma survie.
Une après-midi une soirée une nuit partagées et nous finissions régulièrement elle et moi seuls à jouer à la crapette en discutant, encore et toujours, jusqu’à l’heure de me conduire à la gare avec « Titine » à pas d’heure ; je n’étais pas couché avant quatre heures du matin et j’avais bien du mal à faire bonne figure en cours à huit heures ; on me fit souvent reproche de mon air peu éveillé.
Il est vrai que je n’entendais rien et que je devais redoubler d’efforts (surhumains) pour ne pas laisser ma tête tomber d’un seul coup sur la table.
Mais c’était pour ma bonne cause et rien n’y personne n’aurait pu m’interdire de retourner là-bas la semaine suivante.
Titine !
Une vieille 4L à l’apparence déglinguée mais solide comme un bœuf ; fidèle et jamais en panne.
Je lui dois beaucoup ; elle nous a menés loin nous ramenant toujours.
Sans ses L, C. (un prénom plus d’une fois rencontré dans ma vie) et moi aurions sans doute vécu un peu différemment, ne pouvant enchaîner les parties de crapette jusqu’au milieu de la nuit en attendant l’heure de partir.
Les cartes distribuées auraient certainement modifié le cours de nos vies…
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