Entre grimace et sourire
Posté par BernartZé le 24 avril 2017
33,4
D’un sourire
Il revint à la vie.
Enfin disons plutôt qu’il cessa de grimacer lorsque ses voies respiratoires furent enfin libérées.
Tout s’était bloqué suite à un vif désaccord entre son pharynx et son larynx durant près de soixante-douze heures ; plus moyen de déglutir sa propre salive ni de respirer suffisamment.
D’où un aller direct à l’hôpital du coin dont personne ne pouvait prévoir le jour de retour, encore moins l’état dans lequel il serait, s’il sortait.
Ça c’était sa version des faits, un peu exagérés mais pas trop quand même.
Certes le risque de déshydratation et de dénutrition n’avait pas été négligeable, au point de nécessiter son hospitalisation en urgence alors qu’il ne tenait plus vraiment debout et n’avait plus les idées tellement claires.
Il ignorait d’ailleurs qui avait donné l’alerte ; un voisin ? le concierge ? le facteur ?
Il se souvenait d’avoir fait un rêve bleu d’une étrange femme portant perceuse ; bizarrement elle avait plus l’air d’être rêveuse que menaçante.
Ça n’avait strictement aucun sens mais cette image lui était restée alors qu’il avait oublié les visages du personnel hospitalier ; peut-être était-elle l’infirmière chargée de prendre soin de lui ?
Il l’a prénomma Anne, comme ça sans raison.
Il n’avait pas souvenir des perfusions ni de visites à son chevet ; qui aurait d’ailleurs bien pu venir le voir en un tel endroit ?!
Il n’avait pas non plus vu le jeune enfant qui partageait sa chambre et dont les parents morts d’angoisse ne cessaient de pleurer en hoquetant.
Il sortit avant lui alors que l’enfant deux jours plus tard ne s’en sortit pas.
C’est en qu’il retrouva l’air libre, faute de muscles pour le porter.
Après avoir été épuisé et laissé sans forces par cette épreuve il était bien content de rentrer chez lui, même si ses jambes ne lui permettaient pas encore de se tenir debout ; elles finiraient bien par cesser de se dérober.
Cela étant il demeura faible durant plusieurs semaines, ce qui nécessita la venue tous les deux jours d’une aide à domicile…prénommée Anne ; étrangement bizarre.
(Aucune perceuse à l’horizon)
Le temps passa passionnément comme avant.
Tout en reprenant progressivement des forces physiques, son moral n’était pas au beau fixe.
Même s’il avait eu l’impression d’une renaissance -accompagnée surtout d’un énorme soulagement- au bout de trois jours de chaos, il se retrouvait là, seul.
Quelques pigeons parfois en bord de fenêtre lui rendaient visite par temps de pluie, ses livres et ses disques lui tenaient compagnie.
De temps en temps il regardait de vieilles photos de ses parents morts depuis des décennies et de ses frères et sœurs éparpillés on ne sait où.
L’ennui d’avant l’avait rattrapé à toutes jambes plus sûrement que celles qui lui faisaient encore défaut.
Il se sentit vieux, sans l’être exactement, et se vit vite décliner faute de désirs.
Que pouvait-il encore attendre que la vie ne lui ait pas déjà offert ?
La routine quotidienne lui avait toujours été insupportable, bête à crever.
Alors qu’il remarchait à peine correctement et qu’Anne ne venait plus le distraire par ses apparitions et ses petites histoires de famille, il se demanda s’il n’était pas temps pour lui de faire dignement sa révérence, faute de mieux.
Rien ne l’interdisait, seul manquerait peut-être le courage le jour où sa décision serait prise de façon définitive.
Lors de son dernier rêve ses jambes le prenaient à son cou, l’enserrant jusqu’à l’étrangler et ne plus le lâcher.
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