Un peu de lecture inédite…
Posté par BernartZé le 29 novembre 2008
Ce raccourci que jamais je n’ai trouvé
Je suis congelé. Et ça me déprime.
Dommage car j’avais une drôle d’histoire à raconter sur une autre de ces journées où rien ne va précisément comme on le voudrait, sans même vraiment savoir pourquoi.
Aujourd’hui par exemple, à cet instant précis, je ne suis pas capable de me décider entre aller dormir, manger ou bien continuer à écrire, tout en ayant l’impression désagréable qu’aucune de ces solutions n’est la bonne et ne pourra me satisfaire.
Enfin ! C’est sûr, je suis malade, complètement malade, comme lorsqu’il semble devenu impossible de commander à son propre esprit et que le corps se dérobe de même, tout aussi lâchement.
Je pars un peu…
…Et je reviens.
Toujours ? Je ne sais pas, mais une fois encore, ne serait-ce que pour reprendre le fil interrompu de mes élucubrations !
Ah oui ! Cette « fameuse » drôle d’histoire !
Cela remonte à une époque suffisamment lointaine pour me permettre dès à présent d’implorer la clémence du « jury » (!) quant aux quelques approximations dont ma mémoire ne manquera certainement pas de se rendre coupable.
En ce temps-là où nous nous éclairions tous (?) le plus souvent à la bougie…d’ambiance (pas « d’appoint » !) par excès de jeunesse et de romantisme, j’habitais encore un coin un peu perdu d’une région un peu reculée de nos contrées, celles qui, par la force des choses, vous donnent l’opportunité de vous forger un caractère de grand loup solitaire.
Peu d’humains alentour et beaucoup d’occasions de discuter avec vous-même, tout le temps à perte de vie pour peaufiner votre argumentation lors de joutes oratoires sans fin, faute de combattant.
Je vivais seul alors.
C’était l’hiver, je crois, oui puisque j’avais froid ; ceci dit de tous temps j’ai toujours eu froid, indépendamment des saisons.
Mais bon, nous étions encore en hiver il me semble, même si ce détail (dont je me souviens) n’a pas véritablement d’importance dans mon récit.
La nuit avait eu largement le temps de tomber, c’était déjà le soir, une heure où non seulement tous les chats sont gris dehors mais où, aussi, plus rien ne semble bouger, pas même respirer.
Pas la moindre âme qui vive dans ces semblants de rues.
Cela ne me gênait pas.
Par contre, mieux valait ne pas être soudain pris d’une envie impossible à satisfaire à domicile, avec les moyens du bord et vos propres réserves pour subsister.
Bref, un mauvais suivi de vos approvisionnements pouvait se révéler à cette heure terriblement fâcheux.
C’est exactement ce qui m’est arrivé.
J’avais froid, je l’ai déjà dit, et paradoxalement, j’ai soudainement été pris d’une irrésistible envie de glace, tout bêtement de crème glacée.
Je préfère préciser.
Je n’en étais pas réduit à dîner de quelques petits glaçons.
Pas miséreux à ce point, d’autant plus (enfin, moins) que j’ai plutôt le souvenir de m’être « senti riche » alors, toutes proportions (raisonnables) gardées.
Disons que ma situation économique ne pouvait faire pitié, mais je m’égare, et puis tout le monde s’en moque assurément.
Donc, sans même le besoin de vérifier, je savais que je manquais totalement des bonnes munitions.
Mon « bunker réfrigéré » (c’est réellement l’image que j’en ai gardée) était fort sympathique et vieux, mais plus très en mesure de conserver glacé quoi que ce fût.
Je réalise soudain, en écrivant ces lignes, que j’ai apparemment de tous temps été plutôt en froid, en mauvais termes (pardon !) avec les chambres de conservation à basse température.
C’est forcément de ma faute ! Mais c’est tout de même curieux. A l’occasion il me faudra creuser un peu cette question.
En cette soirée assez avancée, je devais soudain faire un choix.
Rester frustré sur le moment, ou partir en quête de mon Graal.
Que croyez-vous que je fis alors ?
Eh oui ! J’ai tenté l’aventure !
A mon juste niveau ce mot n’est pas trop fort, ni même exagéré.
Sans avoir seulement besoin de sortir faire à pieds un petit tour d’inspection du pâté de « pas-maisons », j’ai vite réalisé que la solution à mon problème n’était pas réellement à portée de main ; pas du tout.
Logiquement, je me suis décidé à prendre ma voiture.
J’étais en ce temps-là « l’heureux prioritaire » d’une courageuse voiture trois portes (je vous fais grâce du détail de toutes les options) d’un certain âge (elle n’est d’ailleurs plus mise au monde depuis assez longtemps sur les chaînes de montage) mais d’une vaillance et d’une bonne volonté à -presque- toute épreuve.
Je l’ai donc « enfourchée » (je me mélange un peu les souvenirs avec ceux rattachés à une période précédente, celle de ma « moto-bylette » ; mais dans l’esprit c’est pareil !) tout plein de certitudes et de confiance en elle.
J’avais un peu, beaucoup, complètement moins confiance en moi et j’avais de très bonnes raisons.
Je les aurais toujours aujourd’hui.
Peut-être y ai-je déjà fait allusion ici, mais là c’est capital : je suis né « déboussolé ». Pour moi, Nord Sud Est Ouest, tout ça c’est la même chose, le même combat…perdu d’avance !
Je n’ai absolument pas ce que l’on appelle couramment le « sens de l’orientation ».
Ça m’a, depuis toujours, joué des tours effroyables, et, dans mes moments de totale inconscience, cela ne m’empêche pas de reprendre le risque de me perdre à jamais, au point de ne carrément plus être capable de retrouver mon chemin.
Ma voiture d’alors était une bonne monture, mais quand même pas au point de rentrer toute seule au logis, en faisant fi de mes indications forcément erronées.
Ne rejetons pas nos incompétences, dans les moments de crise, sur les objets tout dévoués à notre service et en plus -parfois- assez généreux pour nous pardonner certains mouvements d’humeur malheureux.
Je dois abréger mon histoire, sentant un peu fléchir l’attention de mon hypothétique lectorat.
Chacun peut deviner la suite.
Je me suis perdu, égaré, paumé, honteusement retrouvé je ne sais (et ne saurai jamais) où, en train d’éructer comme un dément, de maudire ma légendaire (oui, à ce point) incapacité à suivre ma seule bonne étoile et ma nyctalopie extrêmement défaillante, qui bien évidemment n’a pas arrangé les choses.
Je ne résiste pas à l’envie un peu puérile de l’écrire : je n’étais pas dans une très chouette situation !
J’ai fini par me trouver sur une autoroute (mais sans péage), en direction de…quelque part, roulant toujours en quête de ma crème glacée dont je n’avais, je crois, même plus du tout envie, tant mon esprit s’était soudain plus focalisé sur mes excès de mauvaise humeur, de rage, voire de démence, que j’essayais de maîtriser, ne pouvant accepter une fois de plus cette (prévisible) évidence :
j’étais CON-GÉ-NI-TA-LE-MENT incapable de ne pas me perdre en chemin !!!
Il est de tels aveux non seulement pénibles, mais en plus incroyablement déplaisants à faire. Et s’ils sont nécessaires pour mieux se connaître, ils nous guérissent très rarement de nos défaillances.
Bref, j’ai pu enfin, je crois, repérer à distance, le jour commençant déjà à se lever, une station service particulièrement matineuse (ou insomniaque ?).
J’ai tout fait d’un coup : le plein (il était temps de se montrer prévoyant) d’abord, puis je suis parti à la pêche aux renseignements quant à ma situation géographique (et spatio-temporelle) auprès du pompiste, apparemment éberlué par ce que j’ai pu lui conter (dans les grandes lignes) de mon aventure.
Il a su me remettre sur la voie, je lui en serai éternellement reconnaissant.
En plus, j’ai trouvé en vente dans son libre-service un petit pot (200 ml !) de glace au chocolat avec de savoureuses pépites (marque bien connue, mais motus !).
J’ai finalement réussi par rentrer chez moi au -plus que- petit jour.
Je suis tout de suite allé me coucher, sans manger.
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